Casting crash, happy end

Elle le voulait, son verre au bar de l’hôtel bling-bling.  
Ambiance de morgue dans un décor genre carton-pâte sur fond de musique d’ascenseur.
Le barman dépose le mojito et la bière sur le zinc tandis qu’elle s’agite du regard.
Elle est là pour l’endroit,  pour les autres.
En caressant les feuilles de menthe du bout de sa paille, elle me récite son texte : David Lachapelle et ses « toiles de dingue », son job d’auditrice financière « prenant mais passionnant »,  ses prochaines vacances « entre copines au club »,  les mecs qui « n’assurent pas » …
Un type avec une gueule d’acteur passe derrière nous et va s’assoir deux tabourets plus loin.
Elle change de ton, hausse la voix, croise, décroise, recroise ses longues jambes puis interrompt son monologue et part se refaire une beauté.
Toc toc toc dans mon dos :
- C’est ta régulière ?
- Non, simple rencard…
- J’lui ai tapé dans l’œil, non ?
- J’crois bien…
- Tu me la cèdes ?
Il sort une pièce, l’euro symbolique toupille sur le comptoir.
- Elle est à toi, la note aussi.
Je termine ma Guinness et file.

Mars, et ça repart

Même pas 5 minutes de levrette que ma trique de fer vire à la demi-molle. Je vois son p’tit cul ferme s’agiter nerveusement, elle m’insulte, je la fesse…rien à faire, la tour de Pise s’écroule dans les eaux de Venise.
Je sors, retire d’un coup sec la capote, chacun reste sur ses appuis. Comme souvent dans ces instants-là, on parle pour rien.
En même temps qu’on meuble, j’observe son corps. Rien à redire, il est parfait. Mes doigts dévalent sa peau trop fine, trop lisse.
Toujours à genoux derrière elle, je m’étire. Mon regard vient s’écraser sur une des baies vitrées de l’immeuble voisin. Face à sa glace, une grosse à la peau caramel se farde. Penchée sur son reflet,  elle joue de ses énormes lèvres pour étaler le marron de son lipstick.
Véritable nappage doré, les formes dégoulinent de partout : c’est plus des seins, c’est des mamelles. Ses hanches d’oie grasse retombent sur son cul rebondi comme une joue de bébé.
Mon gourdin de retour, je mords dans l’emballage Durex sans décoller mes yeux du Mars.
Et ça repart.

Kindergarten Knock Out

Je pousse le petit portail vert.
Assise sur un des bancs, d’une main elle berce son nourrisson via de lents va-et-vient de  poussette. Elle m’aperçoit, signe de main, sourire éteint.
Pareil à un boxeur qui rentre sur le ring, je la rejoins sous les braillements des mômes du square. Le quart d’heure s’annonce sale.
En Bovary des bacs à sable, elle me parle de sa non-vie, de ses envies : du cul sauvage entre deux portes, des baises improvisées avec des porcs aux mains calleuses,  sentir qu’on bande non-stop pour elle.
Je l’écoute malgré moi, encaisse pleine tête ses confessions lubriques tandis qu’en haut d’un toboggan son ainée la cherche du regard, fière de ce qu’elle s’apprête à faire.
Le bébé se met à hurler. Elle  l’extirpe de la poussette, le prends contre elle et chemisier déboutonné le fait téter.
Sonné par ses aveux salaces, la vision de l’obus laiteux m’achève.  Ecœuré, excité, je  m’affale sur le banc et yeux fermés, dents serrées, m’assoupis au son de fredonnements et de bruits de succion.

Architecture d’un coup d'un soir

Tranquillement, on finit notre dernier verre. Autour de nous les chaises retournées sur les tables nous poussent lentement vers la sortie.
Sur le trottoir nos langues couvertes de tanin se fritent sous l’œil amusé du patron qui abaisse le rideau du bar.
- Ni chez toi, ni chez moi. Allons chez d’autres, me glisse t-elle entre deux pelles énervées.
Une architecte. En bonne cartésienne créative, elle m’emmène sur un de ses chantiers actuels, un penthouse en plein travaux.
Contraste entre extérieur de carte postale - Paris 360° - et intérieur désaffecté : murs lacérés de tranchées pour fils électriques, cloisons pétées, sur le parquet poussiéreux ponceuses et perceuses dispersées, jeans d’ouvriers couverts de plâtre…
Elle chope un des casques antichoc qu’elle me visse sur le crâne, se penche sur un sac de gravats, relève sa robe :
- Au boulot.
Le job bouclé chacun repart dans un taxi, mine noircie, fringues blanchies. Nos chauffeurs gueulent un peu mais cèdent.
Encore haletant sur la banquette, tête en arrière, les yeux sur le trafic, je sors mon téléphone, vais pour envoyer un texto pour finalement me raviser.

Viva la muerte

On enterre son grand-père.
Pour moi juste un obscur grand-oncle, le genre qui vous pinçait la joue pendant les réunions de famille. Le  cercueil descend dans la terre, hoquets d’effroi, reniflements, cris étouffés.
Tête baissée, yeux levés, je mate son cul. Le noir affine d’accord, mais là quand même…Une croupe d’enfer.
La cérémonie terminée, on se dirige vers les voitures. Elle et sa mère reçoivent, histoire d’une soirée entre proches. Il pleut comme vache qui pisse, les gens bien habillés se ruent sur les portières qui s’ouvrent et sitôt se referment. Sur la banquette arrière je me retrouve à côté d’elle. Dans  le rétro central j’observe sa mère. Joues trempées, lèvres tremblotantes, elle nous conduit jusqu’à l’appart en mode pilote automatique.
Elle pose sa tête sur mon épaule, sa main sur mon genou.
- Du fond du cœur, merci.
Tétanisé d’excitation, je sens ma queue se déployer sous mon pantalon de costume.
- C’est normal, tu sais.
Sa main remonte.
- Ça aussi c’est normal, tu sais. » dit-elle en massant ma bosse grossissante.
Quelques minutes plus tard j’éjacule au feu rouge au son d’une explosion de larmes de notre conductrice livide.

Un gosse, une garce

Oui.
Non…
Oui.
Non.
Oui.
NON.
Engueulade, elle me vire. Beurré comme une tartine, je descends les marches sur les fesses. Dans la cour de l’immeuble je titube et tâtonne 5 bonnes minutes pour dénicher le bouton « PORTE », 10 autres pour trouver mon scooter. A peine installé sur la selle, je somnole.
Histoire de dessaouler je décide d’un tour dans le quartier avant de reprendre la route.  Ca braille aux terrasses de troquet, perchés sur des balcons d’immeuble des gens dansent un verre à la main. Et moi, et moi, et moi…Pété comme un coing, la queue derrière l’oreille.
Au détour d’un trottoir je reconnais la rue, celle de l’école de mon enfance.
L’alcool a beau battre mes tempes et saturer mon sang, les images dans mon crâne sont nettes : un cartable trop lourd sur le dos, je trottine cramponné à la pogne paternelle tenant comme je peux la cadence des jambes du géant qui m’emmène. Et les cris de cour de récré, le gros savon jaune des toilettes, les couvertures couleur des cahiers grands carreaux…Et puis la petite amoureuse, la seule, la vraie…Le reflet sombre d’une vitrine me ramène au présent.
« Sorry petit, j’ai merdé.  30 ans passés pour rien. Mais fini les conneries, j’accueille ce signe du destin comme il se doit et dès ce soir je te fais le serm… »
 Le portable sonne.
- T’es où ?
- Pas loin…Je marche un peu histoire de décuver d’1 gramme ou 2.
- Bah…En fait c’est oui.
Je fixe le gosse dans la vitrine, reconnais le sourire en coin.
- …Bon ben j’arrive.

La plus belle ville du monde

Il est pas d’heure, on papote sur le net. Je propose de passer, elle accepte. Traversée du périph’, ceinture d’asphalt de Paris, ville engoncée dans son costume râpé, boursouflée par la vanité de ses deux millions d’habitants. Les tunnels orange se succèdent, les bretelles de sortie défilent, j’arrive enfin. Grimpette d’escalier jusqu’aux combles, une petite blondinette roulée comme un pneu neuf m’accueille, j’entre.
Hello Kitty meets Scarface.
Sur les murs rose bonbon, des armes à feu trônent : Uzi, Kalachnikov, PP7, Beretta, Winchester…Une poudrière de 20m², de quoi faire sauter les caissons de tout l’arrondissement.
La nana m’explique sa passion, les brocantes qu’elle chine lors de son rare temps libre. Provinciale exilée pour trouver du boulot, elle est serveuse dans un «  grand restaurant » et ravie d’habiter «  en plein cœur de la capitale ».
- Et puis regarde la vue !
A travers le verre sale d’une minuscule fenêtre on distingue un bras de Seine, fleuve de formol couleur pot d’échappement.
Une vie pour rien. L’envie me prend de choper un des flingues histoire d’abréger ses souffrances. Je choisis d’abréger les miennes et débouche le vin qu’elle me tend.
On lève nos verres à « la plus belle ville du monde ».
Tchin tchin, bang bang, bye bye.

L’inféconde

Un vernissage, un soir de semaine.
Comme d’habitude la galerie quasi-vide, tout le monde sur le trottoir à bouffer des p’tits fours et picoler des coupes. J’accoste une grande blonde en retrait, le courant passe, on file à l’anglaise dans sa piaule.
Sur les murs du studio minus, d’immenses toiles de coquilles d’œuf : fêlées, germées, ensanglantées…
- Cinglé le type qu’a pondu ça !
- C’est de moi.
Elle file dans la cuisine et rapporte une bouteille, deux gobelets en plastique. Le vin sifflé, je pars pisser. Mon urine coule, la porte s’ouvre.
- Hey mais…
- Laisse-moi t’essuyer.
Sous ses yeux impatients, penaud je finis mon affaire. D’une main appliquée elle secoue ma queue, presse mon gland qu’elle essuie d’une feuille de P.Q.
Je reste comme un con, boxer baissé et bras ballants.
- C’est ton truc l’uro ?
Sans un mot elle m’emmène sur le canapé-lit, se fout à quatre pattes.
- Prends-moi…par derrière...
- Le cul, comme ça, à froid ?
- Vas-y j’te dis…
Je déroule la capote et l’encule tant bien que mal. Elle s’allonge complètement, les deux mains pressées sur le ventre. Tandis que je lime son p’tit trou,  elle sanglote.
- Ça va ?
- Jouis.
Sans me faire prier j’envoie tout dans la minute et roule sur le côté. Elle se redresse, m’enlève le préso avec soin et le dépose dans un kleenex qu’elle va ranger dans un tiroir.
Elle se glisse sous la couverture, m’encercle de ses bras sans fin et me presse tout contre elle.
- Allez, dodo maintenant.
Je fais ma nuit comme un bébé et me tire aux aurores.

A contacter en cas d’urgence

Je pousse la porte du labo.
Silence de mort, doigts qui s’abattent sur un clavier. Un cimetière sous une pluie battante.
Derrière  le comptoir une blouse blanche les yeux rivés sur son écran me lance un bonjour mécanique.
- C’est pour ?
- Faire un test HIV mais j’ai pas d’ordon…
- Formulaire à remplir et à remettre à l’infirmière, me coupe t-elle en m’indiquant du  menton la salle d’attente.
Une femme enceinte jusqu’aux dents somnole sur l’épaule de son homme. Deux p’tits vieux bras croisés se chuchotent des bouts de phrase à l’oreille de temps à autre. Sur les genoux de son père un gamin chauve parcourt une BD en posant 30 questions / minute.
Normalité sublime. 
Et ces examens  qu’ils vont faire qui viendront la consolider: une  grossesse à risque, un glaucome détecté, une leucémie vaincue…Résultats bons, mauvais...Ça va plus loin. Ces gens vivent les uns pour les autres.
Je jette un œil au formulaire.
Nom, adresse, groupe sanguin, etc.
La p’tite vieille me prête un bic, je remplis des trous, coche des cases.
 « Personne à contacter en cas d’urgence : la catin qui me l’aura transmis, lui faire la peau ! » je songe d’un rictus intérieur en dénombrant les pointillés.
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C’est le tour de mamie, elle me réclame son bic.
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La vieille gueule, son jules s’en mêle.
Je m’excuse, la remercie, lui rend son putain de bic et quitte la salle d’attente.
A l’accueil c’est toujours pareil, mouches qui volent, doigts qui tapent. Gouttes d’eau sur pierre tombale.
Je pousse la porte du labo.

Saturday night Shoah

Nuit moite à la mi-août, insomnie étouffante.
Les gens sont partis noyer leurs emmerdes dans l’eau d’une plage du littoral le temps d’un week-end prolongé.
Paris libéré, royaume suffocant des touristes étrangers, des chômeurs et des putes.
En sueur, en chien, je m’adosse à la tête de lit et l’ordi calé sur les cuisses je file sur les sites d’escorting. Ça clignote de partout, couleurs criardes, bannières en flash où des nichons maous s’agitent et des culs se trémoussent. Ici c’est l’embarras du choix, y a toutes les couleurs, tous les poids, toutes les tailles et tous les tarifs…Une brunette accroche mon regard. Je fantasme en http, bande pour des lignes de code, du pixel siliconé.
J’appelle. Voix dégoulinante, la fille détaille pratiques / tarifs façon centre d’appel pour obtention de crédit. Je note adresse et code, file sous la douche,  me prépare comme si plaire comptait et décolle direction le Neverland des MST.
Je frappe et sens sur moi l’œil derrière le judas. Une grande liane m’ouvre, en string et sur talons, seins nus.  J’entre et lui tends la somme convenue qu’elle saisit  presto d’un sourire de hyène repue.
- La douche au fond à droite…déshabille-toi avant d’entrer.
L’accent fleure bon la Taïga sibérienne.
- Je viens d’en prendre une, pas la peine…
- La douche au fond à droite…déshabille-toi avant d’entrer.
Pas l’heure pour un cours de français, je suis la procédure de chambre à gaz, entre à poil dans la pièce. A côté du panier à linge une grande pile de serviettes de bain et sur les rebords de baignoire des savons d’hôtel par dizaines. L’eau brûlante gicle du pommeau, la vapeur monte. J’éteins la lumière principale et dans le miroir éclairant je fixe mon image reflétée, la regarde fondre dans la buée. 

Et merde

Soirée grandiose.
Ça sentait pourtant pas très bon, rendez-vous arrangé. Le genre de scénario catastrophe pour désastre annoncé. Au final un dîner sensass’ et la voilà qui m’invite pour  «  un dernier verre chez elle ».
Dans la caisse je savoure l’instant. La montée des marches, les hormones qui dansent la gigue…Les jeux sont faits et tout va bien : MERCI PETIT JESUS.
Dans les autres voitures j’observe les couples. Regard au loin, lèvres serrées, la radio sûrement allumée histoire que l’autre la boucle et pressés d’arriver pour  aller vaquer dans son coin.
Allez les gars, risette, ce soir le soleil brille !
Arrivés dans son loft elle dégaine deux verres en cristal et un château Yquem. Une dizaine de lampées plus tard je file à l’étage me vider la vessie.  Quelques tableaux de maîtres, de sublimes pièces de mobilier…Déco classe et sobre, une femme de goût en plus. Ce soir la super cagnotte est pour bibi. Sourire aux lèvres je relève le rabat de cuvette : un colombin énorme flotte en surface. Le numéro complémentaire.  L’eau d’un brun sombre indique l’état de décomposition avancée de l’étron mais quand même, le gaillard en impose. Un dur à cuire, la chasse d’eau peut en témoigner.
Sitôt celle-ci tirée et la crotte enfin ad patres, je débraguette et pisse en apnée tandis que l’odeur fécale embaume la petite pièce. Je manque de dégueuler et zappe l’étape lavage de mains.
La queue en berne je retourne au salon.
- Bah t’es tout pâlichon ça va ?
- Le tournedos…Passe pas…
- Ah toi aussi ? ça me rassure, j’ai l’estomac barbouillé depuis qu’on a quitté le resto. A mon tour de te fausser compagnie…
Alors qu’elle emprunte l’escalier d’un sublime déhanché, le cœur serré je la contemple une dernière fois, l’écoute fermer la porte, récupère ma veste et décampe.

Vue d’ailleurs

Cris.
Râles.
Silence.
- Un ange passe…glousse t-elle
- Bah qu’il aille décocher sa flèche ailleurs.
- Tu gâches tout…Allez tais-toi, on dort.
Deux heures plus tard, Morphée s’est fait la malle avec Cupidon.
La fille roupille profondément, je cogite à vide et gigote comme un possédé.
Bruits de frigo, murs qui travaillent et ça fuit dans les chiottes.
Floc. Floc .Floc.
Fuck.
Kundera me revient : « L'amour ne se manifeste pas par le désir de faire l'amour mais par le désir du sommeil partagé.»
J’enfile mon jean, direction le balcon et sa vue sur la ville qui dort.  Sur les toits parisiens, pareilles à des bouts de mégot quelques cheminées fument encore.
Derrière un des rares carreaux encore éclairés, un instantané d’ordinaire : un couple en mode soirée télé. En position cuillère sur un immense sofa, on devine l’écran face à eux. Sur la table basse, deux assiettes vides, un pot Häagen-Dazs dépecé, des emballages Twix éventrés.
Je reste avec eux jusqu’à la fin du film puis pars finir la nuit chez moi.

En flux tendu

Bzzz.
Une ancienne collègue de la pub sonne à l’interphone. Suite à des retrouvailles virtuelles, on a fixé rencard chez moi.
On commande jap. Sitôt les sushis déballés-les bières décapsulées, on évoque les bons vieux souvenirs : charrettes nocturnes, délais incompressibles, l’excitation sous la pression. 
- Fallait faire vite et bien... » lâche t-elle dans un murmure.
La soirée file à tout allure.
A peine le temps d’attaquer qu’elle m’explique son divorce en cours, deux enfants en bas âge et la baby-sitter bookée jusqu’à minuit dernier carat.
- Tu m’appelles un taxi ?
Portable en main, je pianote furax.
- Ton G7 d’ici 5 minutes.
- T’es fâché ? tu voulais me sauter ?
Avant même ma réponse elle se cambre et relève sa jupe.
- Attrape une capote dans mon sac et prends-moi avant qu’il arrive…
Raidi d’excitation par la sauterie improvisée j’enfile le capuchon poisseux et douze coups de pilon plus tard, je retombe sur le canapé.
Devant le miroir de l’entrée elle se repomponne, se recoiffe, s’empare de son sac et se tire.
Un quart d’heure plus tard, SMS : «  Vite et bien…J’espère qu’on rebossera ensemble ;-) ».

L'ex

« Viens sans arrière-pensée. Un chapitre de ma vie qui se ferme mais du mal à tourner la page » qu’elle m’a dit.
Le bouquin semble lourd et pas loin de me tomber sur le pied. Vaillant j’y vais quand même, armé d’un vin qui cogne.
Elle m’ouvre en jogging et t-shirt, les yeux maquillés mais gonflés, le phrasé mou. L’appart empeste l’encens.
« Il est passé hier récupérer ses dernières affaires, son parfum m’a réveillée cette nuit. ». L’oreille sourde et la main lourde je verse le vin, aborde les sujets-diversion : ses peintures – il m’encourageait tant », son dernier concert – Adele, avec lui », ses prochaines vacances – une croisière seule pour faire le point ».
Elle boit du bout des lèvres.
En bruit de fond le prime time TF1, un nanar médical avec chirurgiens black-blanc-beur à l’œil qui frise et la mâchoire carrée. A se flinguer.
Je tente l’approche tendresse, câlin consolateur, mots doux, mouvements de sioux. Elle s’affale sur mon torse. Bisous-test dans ses cheveux.
- C’est trop tôt…tu penses pas ? marmonne t-elle en relevant la tête.
- Tôt, tard…
Nietzsche a parlé. Je l’embrasse à pleine bouche, elle explose en sanglots et s’en retourne renifler dans mon cou.
Sur ma chemise le Rimmel coule.
A l’écran deux internes s’envoient en l’air dans une salle de garde sur fond de couinements en VF.

Bien trop bien

Un bar, un soir. Son bras élancé sur le zinc, une belle brunette seule plantée là comme un morceau de gruyère sur une tapette à rats. On s’invite du regard et du comptoir on passe au box. Les heures passent, les verres se vident et se remplissent. On discute, on débat, on s’emporte, on se marre. Alcool oblige, le pathos s’en mêle, les confessions éthyliques pleuvent.
La fille a tout pour elle. D’ailleurs même l’addition, c’est pour elle. Je proteste mollement, la tête ailleurs, chez moi pour être exact, histoire d’un dernier verre  et d’une levrette cognée sur le coin du canap’. Tandis qu’elle tape son code cb,  la mécanique s’enraye.
On sort et marche un peu, au hasard du bitume vacant. C’est samedi soir,  la ville est bondée et l’ambiance au bonheur affiché. On croise des bandes pompettes, des touristes piailleurs, des couples agglutinés.  
Sous les rires de la rue les mots s’espacent, la connivence crevasse.
Agacé, j’évoque l’heure avancée. Les tel. enregistrés, on se promet une prochaine fois. 
Une heure plus tard, portable éteint, je m’endors soulagé.

Voyage, destination, etc.

Minuit et des brouettes.
Virée dans le far-ouest parisien, une qui m’invite chez elle à boire un verre - mais la bouteille, c’est pour moi. Un bordeaux, a t-elle insisté.
Traversée rituelle de grandes artères banlieusardes vidées de leur sang piétonnier après 21h, et ville après ville toujours les mêmes noms qui reviennent : Jean Jaurès, Victor Hugo, Maréchal Juin...Tu parles d’une postérité municipale.
Aux feux rouges, je zieute tous alentours : restaurants aux noms délicieusement ringards, «  La gamelle au plafond », bars aux appellations folklos , « La machine à coudes »…Sur les trottoirs blafards, derniers sursauts de vie : un  père de famille éreinté tenu en laisse par le chien familial. Le sac lourd de déjections canines à la main, le regard vide et sans doute le cœur gros. J’imagine un entretien annuel raté, une vie sexuelle à vau-l’eau, des projets macabres pour ses proches…Le feu passe au vert et je démarre tout sourire, grisé par le charme cafardeux de ces agglomérations aux airs de stations balnéaires hors-saison.
Arrivée devant la résidence proprette, hideuse. Coup d’œil dans la glace de l’ascenseur : yeux rougis par le froid, coiffé comme un piaf à cause du casque et à peine le temps de soupirer que la voix digitale annonce : «  7ème-ETAGE ».  Je frappe, la porte s’ouvre, une brune à peau très pâle perchée sur talons. Elle doit bien culminer à plus d’1m80. Sourire de garce. L’Anapurna version Kamasutra.
On s’assoit – ça va déjà mieux -, je débouche la bouteille, nous sers, les sujets défilent : son boulot,  ses lectures, son goût pour les séries, sa mère intrusive…Le rouge passe bien.  
Blanc.
On s’emballe, on s’encastre, on s’enlace, on s’ennuie.  Je m’en vais.
Au retour, j’opte pour le périph’.