Lie maternelle

Au téléphone, ses mots tanguaient.
De sa main tachetée tremblotante, elle m’invite à rentrer.  
Sous les poutres apparentes massives, une pochtronne dans sa porcherie.
La petite table basse croule sous les mégots froids. Pareilles à des baleines échouées, des bouteilles au goulot béant rendent un dernier râle liquoreux. Deux sacs de pharmacie dégueulent de petites gélules bleues, de moyennes pilules roses et de grosses granules blanches. Mouchetée de taches de graisse, une ordonnance cachetée du cabinet des associés et estimés docteurs A. BOULELEPEZ / A. DANSQUINZEJOURS posée là comme un mot d’adieu.
Et ça pue.
Elle qui baigne dans sa sueur de manque, de vieilles odeurs de plats en sauce sur des assiettes éparpillées, la litière du chat qui déborde...Le museau collé au velux, la bestiole aux côtes efflanquées miaule à la mort. J’ouvre, il se tire toutes griffes dehors.
- T’as apporté ?
Je sors la canette de ma poche, même pas le temps de la lui tendre qu’elle l’a décapsulée et pars la siffler dans sa chambre.
Je pose ma veste, retrousse mes manches et dans la moiteur de la nuit j’entame le récurage du lieu comme on irait fleurir une tombe.

La collabobo

Petit deux-pièces, plein est parisien.
Sur le tapis taché on défait le monde en buvant son vin bio.
Strauss tourne en rond sur la platine, le diamant usé sillonne le vinyle comme si c’était sa dernière danse.
Elle a l’alcool mauvais et ma «  gueule de mec de droite » lui revient de moins en moins.
- J’ai jamais couché avec un facho et c’est pas ce soir que j’vais commencer.
Tourisme équitable, police de proximité, arrêt du nucléaire, polémique OGM…Tous les sujets concons y passent.
Elle me bombarde de questions-piège comme un raid de Stukas sur Londres, en bon maquisard démago je me faufile dans les bonnes cases. L’orchestre craquelle plus que jamais tandis que je m’écoute composer un magistral concerto de foutaises bobos.
- Tu milites pour ta bite là, non ?
- C’est que je suis un homme de convictions…
- …Et je respecte ça.
Elle me débraguette et me prend dans sa bouche.
Le disque noir crépite comme les flammes de l’enfer, Strauss entame le dernier mouvement.