Trithérapie

Un vendredi soir comme un autre. Le palpitant fraîchement piétiné par les stilettos d’une sublime garce, je pars en chasse sur Internet histoire de noyer mon aigreur dans les profondeurs du virtuel. Le week-end s’annonce abyssal.
Avant même d’avoir repéré ma proie, je me fais  méchamment harponner par une brunette à frange courte et décolleté profond. Tous les deux vieux routiers du web, on coupe court à la causette Net et me voilà parti direction le Xème., muni d’un blanc sec d’entrée de gamme.
Loft à déco style scandinave, playlist iPod aux p’tits oignons, minois  d’enfer et poumons premier choix. Seul le pinard dénote ; classe, elle picole sans faire la grimace. Je la regarde s’animer en me parlant de ses projets.
- …Enfin voilà, quoi. Bon, et toi alors ? T’es pas très bavard…déçu ? Nase ?
- Du tout…Un peu la tête ailleurs...Petite forme…
- Ah…Rien de grave j’espère ?  Malade ?
- Si on veut…Pathologie du cœur.
- Je vois...Rien d’incurable, tu sais…
- Paraît qu’ça passe avec le temps oui…Et puis c’est sûr, c’est pas l’sida.
- Mais c’est pourtant le même traitement : trithérapie.
Elle se lève, file vers un meuble clair aux lignes pures dont elle sort un magnum de Chivas ainsi que deux verres à whisky. Elle dépose le tout devant moi et s’exclame « number 1 ! ».
J’observe le poison ambré tanguer mollement dans l’énorme bouteille tandis qu’elle farfouille dans une malle dont elle ressort plusieurs barrettes de hasch et du papier à rouler.
- De l’afghane…pure, envoutante…La préférée des talibans…Ton remède number 2.
Je m’enfonce un peu plus dans le canap’.
- Et bé...Tu parles de médocs de choc.
- Roule-nous un joint, remplis nos verres ; j’arrive.
Tandis qu’elle grimpe jusqu’à sa chambre, je m’exécute tout en sentant mes tempes cogner et ma queue s’agiter.
De retour en string et t-shirt,  elle vient se planter devant moi, tout sourire.
- Manque le numb…
Pas le temps de finir ma phrase ; d’un étirement félin elle vire le haut qu’elle me balance en plein visage.
Je quitte l’appart au petit jour, la conscience encore engourdie, l’amertume sous anesthésie.