Épilogue orgasmique chez Claire, rue des Petites-Écuries. Au bout d’un moment sans un mot, c’est elle qui brise le silence :
- Alors dis-moi, toujours sur les applis ?
- En dilettante. Et toi ?
- Happn, Bumble, Tinder… j’ai tout désinstallé.
- Ah ?
- Marre des échanges inconsistants, des dates sans queue ni tête… des mauvais coups. Envie de relations quali’!
- J’comprends mieux ton invitation. Tu recycles les vieux rancards.
- Haha, j’avoue, il y a un peu de ça.
- La baiseuse écoresponsable.
Claire se marre avant de répondre :
- Je me dis simplement que dans ma frénésie, j’ai peut-être laissé passer de vraies belles rencontres, sans vraiment chercher à creuser…
- …Ni laisser sa chance au produit.
- Nan mais tu vois, là par exemple, c’était très agréable. J’ai retrouvé mes marques, toutes ces sensations familières… et puis tes gestes, tes baisers, ton odeur de peau…
- Comme quoi, la récup’ a du bon. Rassure-moi… le préso que tu m’as filé, c’était pas de l’usagé ?
- Oh, ça va. Question durabilité, je vois que ton cynisme a encore de beaux jours devant lui.
- À ce niveau, pas sûr qu’tu sois la mieux placée pour me faire la leçon.
- Développe.
- Côté cynisme, tu te poses là, toi et ton éthique de la nique. J’ai l’impression d’être un vieux bout d’chewing-gum remâché, un mégot dans un cendrier, rallumé faute de mieux.
- Pauv’ biquet. Moi qui comptais optimiser ton usage énergétique en transmettant ton 06 à une ou deux copines, gelées sous leur couette cet hiver… Je vais t'épargner cette corvée.
- Ah bah attends, là c’est totalement différent. On est sur du caritatif, du don aux personnes démunies.
- Sauf qu’à présent, j’aurais plutôt l’impression d’officier dans le traitement de déchets toxiques. Allez, sois mignon et tire-toi. Va traîner ton empreinte carbone ailleurs que sous mon toit.
Rentré chez moi, mon scoot garé au parking, je vais pour prendre l’ascenseur depuis le sous-sol de l’immeuble quand j’aperçois mon vieux voisin, l’air agacé, agenouillé, les doigts en sang, dans le local poubelle :
- Y’a un problème, monsieur Sitbon ?
- Ma femme qui m’envoie jeter ses bouteilles dans cette maudite benne verte. Le sac en plastique s’est percé, y’a du verre de partout… J’ai plus qu’à ramasser.
Je me baisse à mon tour, histoire d’aider un peu.
- Elle et son fichu recyclage, bougonne le petit homme âgé.
- Pas mieux, monsieur Sitbon. Pas mieux.