Je reconnais Sandrine dès mon entrée dans le laboratoire
d’analyses. Apparemment elle aussi, étant donné son sourire esquissé. Sourire
qui se mue rapidement en rire franc
quand ses yeux eyelinés se posent sur le flacon de pisse que je tiens dans la main.
Nos examens respectifs terminés, on file boire un p’tit noir
au troquet d’en face.
- Tu parles d’un premier rendez-vous…
- Comme tu dis…Tous ces échanges virtuels, ces mots doux partagés,
ces photos sensuelles envoyées…Pour se rencontrer dans ces circonstances.
D’ailleurs, je peux te demander pourquoi tu étais là…?
- Petit souci de tuyauterie…Et toi ?
- Simple bilan sanguin. Selon ma doc’, je manque de fer…
Une bonne heure passée, toujours attablés, je décide de
changer de braquet :
- Pas terrible ce café. J’peux t’en proposer un bien meilleur
à la maison ?
- T’attaques de bon matin, dis-moi. Tu sais, d’expérience,
j’évite de fricoter avec les hommes du voisinage. C’est trop de complications
ensuite.
- J’comprends mieux tes silences lorsque j’te proposais
qu’on s’voie. Ceci dit, pense au côté pratique : c’est quand même pas mal
d’avoir tout près d'chez soi.
- Tu parles d’un commerçant de quartier…Dans le genre, tu
ferais un excellent marchand de tapis.
- Bon, j’ai bien une petite idée : on pourrait tarifer
la chose. Une façon comme une autre de marquer une certaine distance entre nous. Ainsi, pas d’ennuis. Pas d’attaches.
- C’est malin. Insolite. Et plutôt excitant. Pourquoi pas.
Sidéré autant qu’échauffé par son consentement improbable, je règle la
note à la hâte et sitôt sortis du bistrot, on marche vers le DAB le plus
proche.
L’oseille en poche, on se met en route vers chez moi. Au
bout de quelques mètres, Sandrine me freine de sa main sur mon bras et se fend d’un air
attendri :
- Ton envie est plutôt flatteuse, tes moyens déployés aussi…Mais
je n’parlais pas sérieusement. En revanche, je reste à ta disposition pour un
service plus doux et quelques conseils féminins. Ça te coûtera toujours moins
cher. Et la boutique est à deux pas, dit-elle en en me tendant sa carte et en déposant un rapide baiser sur ma
joue.
Au Bonheur des Dames
Sandrine Harman – Créatrice
Florale
Le temps de relever la tête, Sandrine s’est volatilisée.