Principes de précaution

Un vendredi soir à l’agence, il est quasiment 19h. La sonnerie de mon téléphone résonne dans l’open space désert.
- Ouais Xav’, c’est Morgane. Navrée de revenir vers toi si tard, j’ai enchaîné briefs et réus. Bon, j'vais pas tourner autour du pot : j’viens d’avoir le feedback du juridique concernant la campagne Lotus-Just 1. Ton accroche est top mais pas viable. Si épais qu’1 seule feuille suffit, c’est trop touchy.
- En quoi ?
- Surprometteur.
- La blague… Tu sors d’un focus group en mode pause caca où, après test, ils s’en sont tous collés plein les doigts, pour me sortir pareille connerie ?
- Je plaisante pas coco. Et va falloir te creuser la tête ce week-end ; je revois le client lundi, fin de matinée. Hésite pas à me faire un mail demain, sinon dim-…
Furax, je lui raccroche au pif.
C’est remonté contre ces pétochards de juristes que je quitte les locaux et rejoins Marion au Chat Blanc, un bar-resto chicos de l’ouest parisien.
Nos assiettes débarrassées, j’interroge Marion :
- Tu prends un dessert ?
- Pour mon dessert, c’est toi qui va me prendre. Je vais payer au bar ; va aux toilettes, je t’y rejoins.
- Hommes ou femmes ?
- Hommes. On risque moins d’indignation si je laisse échapper un cri.
À peine m’a t-elle retrouvé qu’elle me colle sa langue dans la bouche tandis que ses doigts s’en prennent aux boutons de mon jean.
- T’as de quoi t’protéger j’espère, m’assène Marion dans un souffle.
- Bah quand j’vais au resto, j’emporte ma carte bleue, du cash. Pas des capotes…
- T’es chiant. Tu croyais quoi, que j’allais te laisser venir en moi comme ça ? Et puis c’est vraiment pas le bon moment, je suis en pleine ovulation.
- Promis, je ferai gaffe.
- Quand même, c’est touchy. Une seule goutte suffit.
- Ça sonne comme une accroche, ton truc. Et crois-moi, rien de plus trompeur qu’un slogan, parole de pubard. Une seule goutte peut suffire, à la rigueur… Et encore.
Se mordant la lèvre inférieure, tenaillée par l’envie, Marion pèse le pour, le contre, tout en masturbant ma queue raide à présent libérée du jean.
- T’aurais fait un bon commercial, monsieur le créatif. Allez, viens. Mais dès qu’tu sens qu’ça monte, TU SORS, m’ordonne-t-elle en se retournant, relevant sa jupe et baissant sa petite culotte.
C’est le gland dressé vers le ciel et le sourire aux lèvres que je m’enfonce en Marion, une pensée bénie pour Morgane et ses atermoiements légaux.

K.O. technique

Son abonnement Orange squeezé pour cause d’impayé, mon pote Marc, un grand gaillard carrure poids lourd, demande à venir squatter ma bande passante le temps d’un entretien d’embauche via Skype. Ce mardi fin de matinée, il débarque donc, ses cheveux frisés mal peignés, engoncé dans un costard acheté il y a pas mal d’années, désormais trop juste d’au moins deux tailles.
Avant l’entrevue digitale, je lui fais couler un déca.
- Alors, tu le sens comment, cette fois-ci ?
- Bah, on verra… J’ai préparé mon p’tit speech. Ils cherchent un négociant en matières premières pour la zone subsaharienne. J’suis fait pour ce taf.
- T’as bandé ton arc, affuté tes flèches les plus redoutables ?
- Haha, j’suis plutôt en mode Rocky, prêt à leur décocher mon fameux uppercut, rigole Marc, imitant l’acteur-boxeur culte, avant de, comme un mauvais présage, renverser quelques gouttes de café sur sa cravate d’un vert douteux.
Sa tasse vidée, il part s’isoler dans ma chambre, son antique MacBook Pro en main.
Quelques minutes plus tard, la sonnerie d’appel retentit de l’autre côté du mur.
Je l’entends vaguement s’exprimer, débiter son laïus d’usage comme un gérant de pompes funèbres annoncerait ses prestations et tarifs à toute une famille endeuillée.
Quand ils en viennent à parler paie, le ton monte précipitamment pour se conclure par une flopée d’insultes éructées de la bouche de Marc. De l’autre côté de l’écran, le type semble rester sans voix, avant de couper court à l’échange vidéo comme en témoigne un ultime son.
Un bon quart d’heure écoulé, sans nouvelles, je toque, questionne mon pote :
- Ça va là d’dans ? Ça dure dis-moi… Vous vous faites une sexcam ou quoi ?
Sans réponse, j’entrouvre un brin la porte, pour découvrir la carcasse 2XL de Marc étendue sur ma couette, assoupie, ses chaussures au pied du sommier. Encore ouvert sur mon bureau, le laptop à l’écran sévèrement fissuré, constellé de taches, tel un vainqueur au onzième round, propage son rayonnement pâlot.