Dégât des eaux

Ayant rencard dans le quartier d’une ex avec qui les petites sauteries viraient souvent aux orgies pantagruéliques, je la texte sur le trajet, Une nana à voir dans ton coin, pensée émue pour nos ébats d’antan, quand le noir nous allait si bien. Ton vampire banlieusard.

Maud me répond dans la minute, Mister X. en personne, quelle surprise. Je vois que tu quadrilles encore et toujours les environs. Le 11ème, épicentre de tes méfaits lubriques. Bientôt, y’aura plus que la Colonne de la Bastille que t’auras pas prise, par ici… Passe boire un verre avant / après si ça te dit. M. 

Je préviens du coup mon rencard de mon léger retard, 1 heure environ, et me pointe chez Maud, rue Bréguet. 

Elle m’ouvre, un verre de Côte-rôtie en main, une Marlboro fumante dans l’autre. 

-       Tiens, tiens, mais qui voilà… mon poète post-périphérique, le Ronsard-queutard de ces dames. 

-       Ravi de te revoir aussi, muse de mes deux. Hey, mais c’est ma chemise oubliée que tu portes ? Et j’vois que t’as toujours pas fait recoudre les boutons que t’avais joyeusement fait sauter, ce fameux soir.

Maud se marre, m’invite à entrer.

Posés sur son canapé d’angle, on évoque nos moments ensemble, les plus mémorables comme les moins reluisants, et puis le piteux dénouement.

-       Avoue, tu t’es comportée comme une garce. Me larguer par texto, pour ton prof de surf qui plus est. Le coup de pelle sur la tête, enfin de planche. Puis t’as plus jamais répondu. J’ai mis des mois à m’en remettre.

-       Arrête ton cirque. Et puis y’avait rien à répondre. En plus, tu souhaitais rien de te stable. T’es même jamais resté dormir. Pas une fois. Pas UNE fois.

-       Bon, et ça s’est terminé comment avec ton surfeur de St. Trop’ ? 

-       Il habite Cavalaire. Bah il a bu la tasse, le pauvre. Aussi dur des abdos que ramollo du ciboulot. J’ai pas tenu longtemps.

-       Bah fallait m’rappeler.

-       À quoi bon ? On avait mangé notre pain blanc, nous deux. Et je suis pas de celles qui savent se contenter de miettes. Alors, ta victime de ce soir, raconte. Profil ? 

-       Une danseuse pro, native du Pays Basque. Ancienne anorexique, divorcée, sans enfants. Adepte du BDSM et de bonbons Haribo. Elle cherche l’amour, le vrai, un peu partout. Et puis elle m’a déniché, moi. 

-       Pauvre bichette. Comme si les coups de fouet et les carries suffisaient pas.

-       Ça va, je suis pas le diable non plus. 

-       Tout dépend de l’idée qu’on se fait de l’enfer. T’y vas pour quelle heure du coup ? 

-       Et si je restais plutôt là…

-       Sûrement pas. Et pour quoi faire, en plus ?

-       Tu pourrais te dévouer. Te sacrifier pour sauver cette brebis égarée de son châtiment annoncé.

-       En gros, me faire sauter par tes bons soins pour lui éviter l’abattoir amoureux ? drôle de sens de l’abnégation. Après… Je dis pas non à un cunni. Et comme je te sais fin linguiste… 

-       Bah écoute, pourquoi pas. Et puis à voir pour la suite, nan ?

-       Allez, au taf mon petit latiniste.

À peine le travail entrepris, Maud m’ordonne de lui mettre un doigt, puis deux. Quelques minutes plus tard, elle m’explose dans la bouche, au visage et sur la chemise. 

-       Mon dieu, quel délice tes coups de langue. J’avais oublié ton talent.

-       Et moi, ton coté femme-fontaine. Tu m’as ruiné ma Figaret. Bon, on passe au pieu ? 

-       Nan merci, sans façon. Moi je me remets au boulot, toi tu te tires voir ta danseuse. 

-       Mais j’peux pas y aller comme ça, j’ai la bouche qui sent ton vagin et ma chemise fait serpillère passée sur le sol après un gang bang.

-       J'avoue, tu suintes le sexe de haut en bas. Mais c'est pas mon problème, m’assène Maud en reboutonnant son jean. Allez décampe, j’ai un dossier à terminer et demain lever à 6h30 pétantes.

De retour dans la rue, c’est torse nu sous mon blouson et la langue encore engourdie que je texte mon rencard, prétextant un vague empêchement pour cause de gros dégât des eaux, avant de reprendre la route.