Le vieux coffre

Pour payer le loyer de son trois-pièces rue des Archives, elle se prostituait sur le Net via un site web d’escorts de luxe

Elle avait pris Jeanne pour pseudo, le prénom de sa défunte mère, de sa connasse de génitrice

Son annonce, elle l’avait confiée aux bons soins de sa meilleure amie, journaliste à Libé’, podcasteuse à ses heures perdues et lesbienne à plein temps

Brune sculpturale de 26 ans, élégante, douce, attentionnée, sensible au raffinement et à la discrétion

Également glamour et féline, je saurai vous faire passer des moments délicieux, intenses, inoubliables

Très occasionnelle, je privilégie la qualité à la quantité

Disponible de 20 heures jusqu’au petit matin

Les photos qu’elle avait mis en ligne étaient en noir et blanc, prises par son ex, photographe de renom, alcoolique de compet’ et dépressif sévère

Elle s’était constitué un petit cercle d’habitués, des quinquas pleins aux as, aux mœurs diverses et variées, allant du Shibari, art du bondage japonais, jusqu’à la douche dorée

Rémunérée pour uriner, tout un poème

Si plus jeune on lui avait dit qu’elle serait payée pour pisser au visage d’importants DG, dans la bouche d’émirs sous escorte, dans des chambres de luxueuses villas, à même le sol marbré de palaces de la capitale

Depuis le balcon de La Parisienne, une des suites Signature de l’hôtel InterContinental, elle observait les gens manifester Boulevard des Capucines

Comme à son habitude le président passait en force, à grands coups de 49.3 et ça, tous les pavés lancés, toutes les vitrines brisées et les cris proférés n’y changeraient rien

À la fin, il allait leur falloir à tous trimer plus longtemps

Pour ses vieux jours, elle ne comptait pas sur l’État et ses forçats de contribuables

Le fric qu’elle mettait de côté dormait chez son père, dans un vieux coffre remisé au fin fond du grenier de sa bicoque Aveyronnaise

Il y a bien longtemps qu’il ne posait plus de questions quant au cash empilé chez lui

Elle aimait séjourner là-bas, en tout cas le temps d’un week-end, loin du monde d’aujourd’hui et de ses affres sociétales

Sa retraite famélique, il n’en parlait jamais et ne s’en plaignait pas
1200 euros / mois, même pas le prix de sa dernière paire d’escarpins Louboutin

Sortie de ses songeries par les aboiements de l’émirati pendu à son iPhone 14 Pro Max, elle revînt dans la suite, trottina jusqu’à la salle de bain

Dans l’immense glace cerclée de loupiottes circulaires, elle observait le richissime dubaïote en arrière-plan, avec à l’esprit une phrase de son daron qui lui tenait à cœur, Il y a une grande différence entre qui l’on est et qui l’on aimerait être

Une pute qui monnayait sa pisse, voilà ce qu’elle était

Quant à ce qu’elle aurait aimé être, le vieux coffre, à chaque fois qu’elle l’ouvrait, venait douloureusement le lui rappeler 

Coffre de ses premières années, de ses tout premiers jouets, de ses rêves d’enfant enterrés sous une montagne de billets.

MILF mélancolie

Lorsqu’elle rentre de son dîner, elle trouve l’appart vide, aussi silencieux qu’un cimetière

Les gosses sont chez leur père jusqu’au dimanche suivant, la semaine s’annonce longue, le week-end encore davantage

Elle s’ouvre un Bourgueil 2020, s’installe sur sa méridienne Madura, ouvre l'appli Adopteunmec

Suite à une session de swipe gauche à s’en faire péter un tendon, elle jette son dévolu à droite sur un brun basané au look de party guy sous amphets

Ses photos la font voyager : en teuf à Tulum, dans la jungle panaméenne, aux confins de la Jordanie

À l’écrit, il décroche tout juste la mention passable : maigre vocabulaire, syntaxe aux fraises, orthographe niveau CE2

À l’oral, c’est un quasi sans-fautes, dans ses vocaux le type est drôle et incisif

Quand il lui propose de passer, elle accepte sans se faire prier, 3 rue Clavel – Paris 19

Cheveux mi-longs, gueule d’ange, abdos béton, de quoi cautériser ses maux et panser son égo

Ils sniffent un peu sur fond de playlist drum and bass

Le mec lui narre sa vie-son œuvre sans jamais revenir à elle

Après une baise un brin brouillonne mais pas désagréable elle repart dans la nuit, choisit de rentrer en Velib’

Sur le chemin elle fait un détour XXL par le boulevard du Montparnasse, où vit toujours le père de ses enfants

Elle arrête le vélo, se pose sur un banc face au numéro 76 et s’allume une Marlboro Gold

Au quatrième, l’étage de sa vie d’avant, un rétroprojecteur diffuse un film en noir et blanc

Elle l’imagine avec sa pétasse de 25 ans, insupportable de beauté, de jeunesse et de légèreté

Elle reconnaît le film au mur, Ninotchka d’Ernst Lubitsch, avec Greta Garbo

Ils l’avaient regardé ensemble, pendant sa première grossesse

Le revoir avec elle, la blague

Elle y connaît quoi cette gamine, au cinéma d’antan, à l’anticommunisme, à l’amour ?

Son portable la sonne

C’été tré exitant, on se refais ca quand tu veut - Max

Elle se demande si la lolita de son ex commet autant de fautes dans ses textos et couche aussi malhabilement 

Elle se dit également qu’on reçoit les messages qu’on mérite et qu’il en va de même pour les désirs qu’on suscite

Elle écrase son mégot du bout de sa basket Axel Arigato, remonte sur son vélo et repart direction Bastille.

 

 

Inflation générale

Lorsqu’elle émerge chez le type, rue Lakanal dans le 15ème, il est déjà parti bosser

Elle exècre cet arrondissement mais se sent bien dans son plumard

Les draps sentent un peu son parfum, beaucoup le sexe

C’est le premier mec qu’elle se tape depuis la pose de son bonnet D

Elle a aimé voir ses yeux fous au moment de lui ôter son soutif, un gosse devant sa Nintendo

Quand il les a touchés, léchés, elle n’a rien ressenti si ce n’est une légère douleur mais elle a quand même joué le jeu

Elle s’est un peu contorsionnée, fait mine de frémir, de haleter

Rien qu’en y repensant elle se marre à haute voix, remonte le drap jusqu’à son nez

Sur le mur d’en face, encore et toujours Iggy Pop

L’illustration reprend celle de la couv’ de son album de 1977, Lust for life

On y voit Iggy en gros plan, regard halluciné, mèche sur le front, son visage fendu d’un sourire carnassier, fin prêt à conquérir les ondes et les bacs à disques de l’époque

En le Google-isant, elle s’aperçoit qu’en dépit de tous ses excès il est toujours en vie

Ça la rassure et la plombe à la fois

À 20 ans elle s’ennuie déjà, alors à 75

Elle parcourt du regard les tranches de bouquins dans le petit meuble en dessous

Demande à la poussière, Jésus dans le brouillard, Du bleu sur les veines, Narcissa Aucun ne lui est familier mais les titres l’amusent

De la fenêtre de la chambre lui parviennent les bruits de la rue

Des enfants rient et s’égosillent, des adultes gueulent et klaxonnent

Son psy l’attend pour 11 heures 30, elle a encore le temps

Passée de 2 séances hebdomadaires à une 1 séance mensuelle, elle sait qu’elle est sur la bonne voie

Elle se lève, sort de son sac hobo son lithium à libération prolongée

Sur son portable, une alerte BFMTV la rappelle au réel, Grève contre la réforme des retraites, premiers cortèges et premiers heurts

Sa retraite, elle sait où elle peut se la mettre

Elle retourne au lit, lance un Podcast des Couilles sur la table avec pour invitée Virginie Despentes

Ça parle de féminisme, de viol, d’apprendre ou pas à se défendre

Se défendre contre elle-même elle a déjà du mal, alors contre les autres

Cette nuit la capote a craqué, ce con a joui en elle en pleine période d’ovulation

Si elle tombe enceinte elle avorte, enfin elle pense

En tous cas, pas question d’allaiter

Elle soupèse sa nouvelle poitrine, elle se hait un peu moins ainsi 

Le mois prochain, elle programme sa labioplastie avec un chir’ dont on lui a vanté l’expertise

Avant de se rendormir, elle jette un œil sur la petite table de chevet

Comme toujours l’enveloppe est bien là, remplie du liquide habituel

1000 euros en coupures de 100, soit le prix d’une nuit avec elle

Seins plus gros et bientôt lèvres plus épaisses, elle songe qu’il est peut-être temps d’augmenter aussi ses tarifs.

L'hôtel de l'air

En escale à Paris au Méridien Étoile, elle lui a filé rendez-vous au bar de l’hôtel

L’homme a insisté, il veut qu’elle se pointe au rencard dans son uniforme d’hôtesse

Elle se donne un dernier coup de blush, passe ses stilletos Max Mara quand son portable sonne

C’est son fils Octave en visio, dans son lit à La Réunion

-       Bah tu dors pas mon ange ? il est bientôt minuit pour toi…

-       J’y arrive pas. Tu m’manques maman. Hey, pourquoi t’es encore habillée, il est quelle heure chez toi ? 

-       21 heures en France. Je vais descendre boire un verre avec l’équipage. Mamie t’a bien donné ta Ritaline du soir ? 

-       Oui oui, après ma douche, comme d’hab. T’as pas d’amoureux en c’moment ?  

-       Personne dans mon cœur à part toi.

-       J’ai toujours peur que t’en rencontres un à Paris et que tu rentres plus jamais.

-       Arrête tes bêtises, mon chéri. Allez, dodo.

Quelques secondes plus tard l’ascenseur l’emmène au lobby

Elle reconnaît d’emblée le mec, assis devant un Moscow mule 

Cheveux mi-longs, barbe de 3 jours, blouson en cuir

Tout comme sur sa photo d’appli il a un air de Christian Bale, son acteur favori

Comme bien des hommes qui s’imaginent affirmer leur virilité sans avoir à parler, il porte Sauvage de Dior

Gentil mais timide à l’excès, le type peine à sortir trois mots et la conversation s’enlise

Elle meuble comme elle peut, rien à faire, son désir s’atrophie toujours un peu plus à chaque seconde qui passe

Elle profite d’un de ses bâillements pour couper court 

-       Tu sembles fatigué, et pour tout t’avouer moi aussi. Je ne vais pas tarder à monter me coucher.

Dépité, il proteste un peu, en vain

Beau joueur, il insiste toutefois pour régler l’addition, là aussi elle tient bon

Elle le raccompagne jusqu’aux portes automatiques, lui ressert un peu de small talk et le terrasse d’une bise cordiale

Son taxi finalement parti, elle retourne au bar, commande un Daïquiri passion

Plus loin le long du zinc, un grand barbu affublé d’un tee-shirt KARMA’S A BITCH et d’un tatouage GOD BLESS VICODIN sur l’avant-bras termine sa bière

L’homme a un bagout redoutable, il pourrait vendre une bible au diable

Et lui ne porte aucun parfum

Une heure plus tard, ils se galochent dans l’ascenseur et remontent ensemble dans sa chambre 

Perchée sur ses talons, elle tremble comme à sa première fois

Ses baisers ont un goût de malt, de non-retour aussi

Il l’effraie autant qu’il l’attire

Après le sexe, brutal mais efficace, elle s’éclipse sous la douche

Au sortir de la salle de bain, elle découvre le lit désert, son sac à main ouvert

Après une savante inspection, elle fait le point, seuls manquent à l’appel une boîte de Lamaline, un tube de Néo-Codion et tout son cash, quelques centaines d’euros

Un junkie, manquait plus que ça 

Elle va pour appeler la réception, se ravise aussitôt, elle entend d’ici les ragots et bruits de couloir dans l’avion 

Elle se glisse sous le drap, écoute quelques pages de son livre audio du moment, Kilomètre zéro de Maud Ankaoua, un de ces innombrables ouvrages feel good et sans grand intérêt

Style besogneux, intrigue niaise et clichés grotesques, tout y est

Elle coupe le sifflet du bouquin puis éteint la veilleuse 

Elle repart en vol dès demain et s’en réjouit

Juste avant de sombrer, elle songe au sosie chiant de Christian Bale, au colosse toxico et à quelques mots d’Orson Welles, tellement à propos

En avion, on n’éprouve jamais que deux émotions : l’ennui et la peur.

La reproduction

À deux doigts de prendre son pied quand les piles du vibro la lâche

Comme un présage, une injonction à l’inviter à 23 heures passées 

Des jours qu’il la supplie d’accepter un verre dans un bar à coup de textos à rallonge, de notes vocales interminables aux airs de podcast France Culture

11 rue la Condamine, Paris 17 / code 25B38 / Interphone Visconti / 1ère étage puis paillasson pailleté / après minuit je t’ouvre plus

Le type répond dans la foulée, il promet de faire au plus vite

Elle trottine jusqu’à la cuisine, débouche une bouteille de Merlot, s’allume une Vogue

De sa fenêtre, elle aperçoit un couple dans l’immeuble d’en face, affalé devant leur télé

Certainement une série Netflix, une nième saison de VikingsLucifer ou Peaky Blinders

Une intimité apaisée, un quotidien banal mais tendre, même ça, elle ne s’en sent plus capable

En évacuant les premières cendres, elle se demande à quand remonte sa dernière nuit à deux

Elle ne reste jamais dormir, pas plus qu’elle n’héberge quiconque

Le réveil gênant du lendemain, les relents d’haleine du matin, les tâches de pisse sur la lunette, elle a donné 

Elle prie pour qu’il ne tape pas l’incruste après qu’ils aient fait leur affaire

Elle repense à Romain

Où est-ce que ça a merdé, quand est-ce que tout s’est délité ?

Enfant de la DDASS, accro au cul, au Fentanyl, aussi à son taf de trader

Un vrai bon numéro gagnant, le 13 probablement

Deux autres verres de rouge plus tard, ça toque à la porte

-       Mais t’es pas le mec des photos… ?

-       Elles datent un peu c’est vrai, mais c’est bien moi.

Avec 6-7 kilos en plus, pas mal de tifs en moins, ok c’est peut-être bien lui

-       T’es chiant. Bon allez, entre.

Quelques minutes plus tard, il la tringle en levrette sur son canapé Roche-Bobois flambant neuf

Pourvu qu’ils en foutent pas partout

La vendeuse le lui a certifié, l’alcantara se nettoie hyper facilement mais quand même, pas envie de passer sa nuit à frotter comme une dératée

Quand il quitte son deux-pièces, il est à peine une heure du mat’

Elle se rue sous la douche, y passe un bon quart d’heure, se savonne de la tête aux pieds

De retour dans sa cuisine, elle se ressert un verre de vin, avale un demi-lexomil 

De l’autre côté de la cour, le couple n’a pas bougé, immobile devant leur écran 

Au-dessus d’eux, accrochée au mur, elle distingue une reproduction qu’elle reconnaîtrait entre mille

La fiancée du vent d’Oskar Kokoschka, un peintre autrichien du XXème

Elle se revoit à Bâle avec Romain en mars 2021, passant de salle en salle au Kunstmuseum

Leurs yeux émerveillés face à la toile originale 

Les baisers langoureux échangés sous les arcades du musée

Un tintement SMS la sort de ses songeries

T’as un cul de malade mental, tes seins m’ont rendu ouf, on s’revoit quand ?

Bordel, ce que la vie peut être cruelle, pour elle comme pour ce pauvre mec

Elle bloque fissa le numéro, file rejoindre son lit 

Juste avant de sombrer, elle se promet de passer dès demain à sa pause dej au BHV histoire d’investir dans un store pour la fenêtre de sa cuisine.

Antisepsie locale

Bon dieu mais qu’est-ce qui lui a pris

Accepter un rencard au bout de 30 minutes de tchat, un dimanche soir

Chez elle 

Enfin presque chez elle, dans l’appartement de sa mère, morte en janvier dernier

À Levallois, dans une avenue sans vie, au 4ème étage d’un immeuble ultra sécurisé 

Depuis maintenant 3 semaines, elle y passe chaque week-end

Pèlerinage banlieusard amer mais nécessaire

Trier, jeter, garder ah non jeter oh et puis finalement garder

S’attarder sur un vieux bouquin, une dédicace cryptique

Larmoyer sur une page jaunie, mouiller un passage souligné

Dans les albums photos, piocher çà et là un visage

Ça sonne à l’interphone, certainement le type de l’appli

Happn, Tinder, elle sait même plus 

Pourvu qu’il soit conforme à la seule photo mise en ligne, un selfie pris en plein Madrid

Tandis qu’il monte, elle s’arrange à l’arrache dans la glace de la salle de bain 

Cernée, pas maquillée, sapée comme une zadiste

Même sa mère, six pieds sous terre, entre quatre planches, est mieux fardée

Pour le coup, le thanatopracteur a fait des merveilles

Elle cherche de quoi se pomponner un peu

Féminité du bois de Serge Lutens, le parfum fétiche de sa vieille

Pas sa came mais bon, à défaut

Oh et puis merde, elle est à prendre ou à laisser

Ils se font la bise dans l’entrée, le type sent le tabac et l’after-shave bon marché

Jean brut, boots en nubuck et un tee-shirt noir ajusté avec écrit dessus I survived another meeting that should have been an email

35 ans mon cul, il en fait facilement 40

Il leur sert un verre du rosé tout juste débouché, un Tariquet 2019

Du rosé par -2 degrés, décidément, rien ne va dans ce rendez-vous

Le mec lui narre par le menu ses dernières vacances en famille, Noël dans un chalet à Gstaad

Elle se voit le soir du 24, passé seule dans son studio minus de la rue du Docteur Potain

Il enchaîne sur son taf, va jusqu’à lui remettre sa carte de visite de responsable grands comptes pour une grosse boîte cotée en Bourse

Elle songe à son crédit conso, à sa formation alternée qu’elle est sur le point d’arrêter

Quand il fond sur elle et l’emballe, elle pense à sa mère 

Sa langue est grosse, râpeuse, envahissante

Ses mains, épaisses, fébriles, s’affairent à lui dégrafer son soutif, à la peloter grossièrement

Elle laisse faire

Il lui demande si elle a des capotes

Les mecs de 40 ans passés, c’est quand même quelque chose

À défaut, elle lui taille une pipe

Sa queue est circoncise, plutôt douce et sent la lessive

À l’instant de gicler, il éructe comme un gorille 

Elle avale sans broncher jusqu’à la dernière goutte

Quelques minutes plus tard, elle perçoit le bruit de sa moto qui s’éloigne progressivement

De retour dans la salle de bain, elle vide le restant du flacon d’Eludril dans sa bouche

Elle recrache finalement le liquide rose fluo, les bulles dévalent l’émail fendu du lavabo

Elle repense à sa mère

Elle lui demande pardon

Elle ne reviendra plus

Son frère et sa barj’ de belle-sœur finiront de vider les lieux

Dans le Uber qui la raccompagne chez elle, une chanson passe à la radio, un vieux tube de Bonnie Tyler, Total eclipse of the heart

Regard au loin, ses ongles enfoncés dans sa chair, elle fredonne le refrain en sourdine 

Au feu rouge, un motard rétrograde, s’arrête à hauteur de sa vitre

Mains gantées et visière teintée

Les doigts noirs du chauffeur Uber battent la mesure sur le volant siglé Skoda

Quand le feu passe au vert, elle déglutit laborieusement

Sur sa langue le goût acide, tenace du bain de bouche antiseptique.