Berceuse tarifée

Un hôtel miteux en province, un soir de semaine.
L’insomnie se pointe entre les draps rêches ; je raque une heure de chaîne payante et enchaîne branlette sur branlette ; les draps gagnent en douceur mais mes yeux restent ouverts.
Rhabillé, je descends boire un coup au bar, fermé plus tôt faute de clients. Un réceptionniste charitable m’indique «  le bon endroit pour passer une bonne nuit ».
J’arrive à l’adresse indiquée qui m’a tout l’air d’un club pour VRP graveleux et me gare entre deux Scénic immatriculés loin d’ici. Sitôt le contact coupé, j’entends la ruche lubrique bourdonner à coups de basses profondes.
Torse bombé, bras croisés, le videur me fait signe d’entrer d’un mouvement de crâne rasé.
L’endroit aux teintes pourpres / violacées me donne l’impression d’évoluer dans un zob gorgé de sang ; sur la scène principale, deux strip-teaseuses frétillent devant des commerciaux pintés.
Postée sur un petit podium, une troisième effeuilleuse, plus ronde, ne semble intéresser personne. Agacé par les beuglements des péquenots cravatés, je commande une conso et paie pour un strip en privé avec celle au cul xxl.
Dans la cabine capitonnée façon boudoir de lupanar, je fais tinter mon verre à shot tout contre sa barre de danse histoire de trinquer avec elle et m’installe dans le canapé, iPod vissé sur les oreilles.
Trois minutes à peine écoulées, bercé par ses ondulations au son d’un Nocturne de Chopin, enfin, je finis par fermer les yeux.