Destination finale

On s’était tout dit. Ou presque, alors on s’est donné cette dernière chance, celle des couples à bout de souffle, qui éreintés par la routine finissent invariablement par se vomir l’un l’autre.
Avant de se plaquer pour de bon, on a donc plaqué tout le reste le temps d’un week-end prolongé.
Notre choix arrêté sur Vienne après des heures de tractations ponctuées de soupirs agacés, bruits de bouche et autre portes qui claquent, on s’est mutuellement ménagé jusqu’au jour du départ.
Le vol se passa sans accrocs, chacun plongé dans ses journaux, silencieusement fébrile à l’idée d’un séjour en vase clos en compagnie de l’autre.
Arrivés sur place et une fois les bagages montés dans la chambre d’hôtel, on a filé vers la vieille ville.
Main dans la main et sans un mot, on remontait les rues pavées bondées de groupes organisés, période estivale oblige. Vienne me faisait l’effet d’une vieille pute fardée comme un jeune tapin : entre deux grandes enseignes de l’industrie vestimentaire - H&M, Gap, Zara & co. -, les monuments d’époque offraient leurs charmes d’un autre âge à des touristes aux yeux rivés sur l’écran de leur caméra. Vestiges historiques pour la plupart en cours de restauration, ces témoignages d’une gloire passée cernés d’échafaudages et de filets de sécurité m’affligeaient d’autant plus qu’ils me rappelaient mon couple : on pouvait ravaler la façade tant qu’on voulait, le temps faisait son œuvre et la pierre travaillait, s’effritait de l’intérieur. Agonie architecturale livrée en pâture à des têtes baissées, des regards tournés vers ailleurs.
Des calèches lookées à l’ancienne aux serveurs en costume d’époque nous servant la fameuse tarte Sacher au «  bon goût d’autrefois », ici tout sonnait faux pour moi. Pour elle aussi probablement.
On avait bien choisi.