Lueurs

Elle m’attend pour 21h.
Ma bécane broute  en plein périph’ au niveau de la porte Dorée ; à peine le temps d’aller m’échouer sur la bande d’arrêt d’urgence que le bas moteur rend l’âme. Péniblement je pousse l’engin,  remonte la bretelle de sortie, en sueur le met sur sa béquille le temps d’une pause.
Cul sur la selle,  pareil à un veau dans son pré j’observe les  bagnoles à toute blinde défiler à l’infini. En arrière-plan, un ciel bardé de barres d’immeubles,  verrues bétonnées colossales.
- Tu veux quoi  bébé ? La sucette ou l’amour ?
De l’autre côté de la voie, sous la rampe de sortie, plantée devant sa tente cradingue une beurette tout en rondeur m’appelle d’un doigt qui va et vient.
- Une dépanneuse, dans l’idéal…je suis en rade…j’ai rendez-vous…
- Moi je dépanne toi mon chou. Je fais moins cher que la remorque et mieux la pipe que le rencard.
Au loin, le paysage monolithique de façades grises de pollution émaillées de lucarnes jaunâtres convainc mon regard hésitant qu’ici se termine ma soirée.
Entre deux chauffards énervés, je  traverse la voie asphaltée direction ma pute de fortune. Tandis qu’elle dézippe ma braguette dans la rumeur rauque des moteurs, j’aperçois par intermittence ses yeux de camée aux abois dans les raies des phares de voiture.