Ressac californien – partie 2

De retour dans ma chambre et avant de mettre les voiles pour San Francisco, quelques 200 bornes plus au nord, je me désape, file dans la salle d’eau prendre une douche. Comme un présage de temps qui presse, le pommeau, même après 3 minutes, pisse obstinément de l’eau froide.
Rhabillé à la hâte et encore grelotant, je rassemble mes quelques affaires et m’en retourne à la voiture. L’étape de nuit s’annonce paisible. J’hésite encore entre l’itinéraire classique par la Highway 1 – rouler sur la côte sous la lune peut bien avoir son charme, ou bien m’enfoncer dans les terres en empruntant la route 101.
Mais Lacey semble avoir d’autres plans pour moi. Plantée côté portière passager, son mini short en jean accolé à la carrosserie, elle semble m’attendre depuis toujours.
- Tiens…T’es pas avec tes nouveaux potes ?
- Ils sont ici pour quelques jours, j’aurai l’occasion d’les croiser. Tu dois vraiment partir ce soir ?
Tandis que je tarde à répondre, des notes cuivrées se font entendre dans le lointain et semblent flotter jusqu’à nous.
- …Et puis tu peux pas rater ça, le premier jour du Monterey Jazz Festival. Cette année, on a Diana Krall et George Benson en tête d’affiche.
- J’suis pas trop jazz.
- Ah…Perso, pour voyager sans dépenser, j’ai pas trouvé mieux pour l’instant. Comme cet album d’Herbie Hancock, « Maiden Voyage », avec pour thème central la mer ; la mienne, de mère, passait le 33 tours en boucle quand j’étais gamine. « Ça fera pas revenir ton père mais moi ça m’emmène loin d’ici » s’amusait-elle à me répondre quand je lui demandais pourquoi ce disque plutôt qu’un autre avait les faveurs de notre platine. J’appréhendais toujours le dernier titre, pourtant superbe, « Dolphin dance ». Ça ratait jamais, elle s’effondrait dès l’entame du morceau…Qui dure un peu plus d’neuf minutes.
Je hoche la tête, tripote-tapote ma clé de bagnole.
- Désolée pour les pleurnicheries. File, je te retiens pas plus longtemps.
Une brève étreinte plus tard, je prends le volant de la Ford, roule vers la sortie de la ville. Arrivé à la bretelle d’accès vers l’autoroute qui longe la baie, je choisis de poursuivre tout droit, pour, quelques minutes plus tard, m’engager sur la 101, direction l’intérieur des terres.