Un parent qui s’envole, une idylle en éclats, une amitié à terre, un enfant avorté… quelle que soit leur nature, les deuils charrient toujours leur lot de regrets à rebours, de remords après coup. D’amertumes à posteriori au goût d’échec cuisant, de crash retentissant.
On refait le chemin sans cesse, on se repasse le film, chaque geste au ralenti, les dialogues, mot à mot, jusqu’à celui de trop. Aussi celui qu’on n’a pas eu.
On se console au jour le jour, la nuit de préférence, et avec les moyens du bord : clopes par paquets, paradis opiacés, havres solubles, édens de synthèse, rendez-vous d’applis aux orgasmes expédiés, écrits effrénés, flasques d’alcool de superette, corps d’Europe de l’Est tarifés.
Autant d’artifices bouts-de-ficelle pour s’engourdir les sens, s’anesthésier le cœur jusqu’à ne plus rien éprouver. Tout oublier, jusqu’à soi-même, amas de chairs chagrines, de narquoises vanités.
Et puis l’aube qui survient, l’aurore dans toute son âpreté, le retour d’un réel avec lequel il va nous falloir composer. Pleinement réveillé, avec pour horizon ce long trait noir tiré sur l’autre : un être, un prénom, une vie, sa possibilité.
Alors chialer, à s’en déshydrater, tels ces nourrissons sitôt expulsés, plongés dans le grand bain d’une vie où la perte fait foi, où le deuil fait sa loi.
Enfin, sécher ses larmes. À force de morve mouchée, de poings serrés tout comme de temps passé, finir par en sourire. Un beau matin, faire un peu plus que se lever : se relever.