L’enfer blanc

Helsinki, c’est l’été.
Il est tard,  la nuit ne viendra plus.
Depuis la terrasse du Tiger - Q.G. des finlandais friqués - j’observe le gris du ciel, sinistre chape de plomb qu’une boule brumeuse jaunît. 
Je me retourne et, main en visière, zieute à travers le verre teinté de l’immense baie vitrée : les lumières dansent,  l’alcool coule et les enceintes crachent. La conscience à peine engourdie, la foule bien habillée ondule, tourne sur elle-même dans une extase bidon. Tout le monde essaie  d’y croire, de faire comme si il faisait noir.
A l’intérieur, l’air ne sent rien, il est à bonne température.
Au bar j’aborde un spécimen local, physique nordique, vêtue sexy. Ses lèvres s’animent, bougent muettement, les miennes aussi sans doute. On trinque énergiquement, nos verres tintent sans bruit. Elle descend sa conso cul-sec, demande la même chose au barman. Entre deux silences tout sourire, on se postillonne à l’oreille des bribes d’anglais niveau lycée.
Une armoire à glace made in IKEA s’ amène, me balance un rictus polaire et tapote l’épaule de ma blonde ; elle pivote sur son tabouret et ne se retournera plus.
Sur le zinc étincelant du bar,  j’aligne nos verres à shot, allonge les euros et quitte l’établissement branchouille, les idées encore bien trop claires.
Je regagne mon hôtel à pied via les rues parfaitement tracées, vides de tout détritus. Les bars commencent à se vider, leur clientèle aussi : sur le pavé, les dos courbés vomissent leur soif d’obscurité.