Confidences d’un con

Rendez-vous fixé dans une rue, la sienne, au fin fond du XXème.
On est au début du printemps et ça s’entend : les gens bavassent aux terrasses des cafés alentours, les riverains s’affairent sur leurs balcons ou bien se contentent de mater mollement les derniers passants de la journée. Planté comme un piquet, un melon dans une main, une bouteille de pinard dans l’autre, j’attends.
Je la vois arriver au loin : jupe d’une longueur monacale, chemisier assorti, brushée à la perfection, ongles soigneusement manucurés, deux véritables perles de culture aux oreilles.
Souriante, elle s’approche et m’invite à la suivre quelques numéros plus bas. Montée muette jusqu’au 5ème sans ascenseur, elle ouvre, on s’installe. Je débouche la bouteille de rouge tandis qu’elle se charge du melon, que d’un palpé de doigts vernis elle pressent mûr à point.
Derniers préparatifs, elle va jusqu’à sa chaîne hi-fi, histoire d’un peu d’ambiance sonore ; les premières notes d’un morceau de jazz éthiopien résonnent dans l’appart tandis qu’on trinque à cette soirée.
On parle peu, pour ne rien dire. Phrases courtes, voire bribes, un vrai poker verbal, et quand on relance c’est d’un mot. Le vin passe bien. Le melon, juteux à souhait, aussi. A chaque bouchée ingurgitée, elle gémit de plaisir pour ensuite glousser une excuse tout en battant des cils.
Le cd finit par stopper, nos blancs redoublent d’intensité. Jusque là face à moi de l’autre côté de la table, elle me rejoint sur le canap’.
A peine on s’emballe qu’elle me  prend par la main, direction sa chambre.
J’en apprends plus sur elle au bout de quelques minutes de prélim’ qu’en une heure de bavardage mou ; la suite est à l’avenant, riche de détails sur son vécu : «Si le curé de mon petit village Corse me voyait me faire défoncer pareillement…suis une fervente chrétienne tu sais »… «Ça me change de mon ex-mari, un mec qui dure au pieu ! T’arrêtes pas, surtout t’arrêtes pas»... «On m’a pas appris ça, tu sais, dans mon pensionnat pour jeunes filles…vas-y, baise, baise la pucelle que je suis restée jusqu’à mes 24 ans »… «Putain de nom de Dieu, que c’est bon ! Je devrais pas jurer comme ça, c'est pas bien, je le répète assez à mes gosses…»
A coups de reins, de langue, de doigts, elle me déballe ainsi sa vie une bonne partie de la nuit.
Vers les 3 heures on rend les armes ; chacun se rhabille sans un mot, tout juste deux-trois répliques fadasses échangées à mi-voix tandis que j’enfile mon blouson.
D’un sourire entendu je quitte l’appart de mon rencard aussi silencieusement que j’y suis entré, le goût fort de son con en bouche, ses confidences en tête.