La grande récré

Période de fêtes de fin d’année, un après-midi en semaine. Les gens bossent dur ou, au mieux, glandent devant la machine à café en causant démission, grève et augmentation. Pendant ce temps, j’arpente les allées d’un centre commercial, véritable verrue urbaine, le nez constamment harcelé par des effluves de viennoiseries et de parfums bon marché.
J’entre dans une boutique de jouets et m’empresse d’aller dégoter un cadeau destiné au môme d’une copine. En plus d’être le paradis des gosses, c’est le genre d’endroit idéal, avec les sorties d’écoles, pour rencontrer toute sorte de mères de famille. Tantôt connaisseuse, tantôt novice ; tantôt pressée, tantôt flâneuse ; mais toujours mal baisée.
Au rayon jeux de société, mon regard croise celui d’une petite brune frangée. Sourires de connivence devant les grosses boîtes bariolées, on sympathise. Je propose un café ; amusée, elle accepte.
Sitôt nos jouets payés et emballés, on se dirige vers le parking histoire d’aller ranger nos sacs. À peine l’ascenseur refermé, on se galoche comme deux ados pour ensuite rejoindre sa caisse. La banquette arrière trinque, les paquets aussi.
Le café sera pour une autre fois ; on s’échange noms et numéros et comme un père Noël lubrique, je file à moitié défroqué avec mes joujoux cabossés.
Les jours passent, les fêtes aussi. Pas de nouvelles. Je texte bonne maman, qui me répond dans la minute : "Les jouets avaient pris un sacré coup. Moi aussi. Merci pour la récréation, maintenant place aux résolutions."
Pareil à un gamin frustré, je vais pour rétorquer, râler, puis me ravise, efface texto et numéro.