Ombres chinoises

15 août, jour de pic estival. Le long des côtes de France, les carcasses gratinent au soleil façon lasagnes de viande de cheval dans un four à chaleur tournante.
Même topo à Paris, la mer en moins, l’air sale en plus.
Assis en terrasse de café face à une brune siliconée, je dégouline sur ma chaise comme une montre molle de Dali.
La discussion va bon train quand subitement, elle actionne brutalement l’aiguillage :
- Plus de batterie dans mon téléphone et j’attends un appel urgent. Faudrait que je recharge. J’habite pas loin ; tu m’accompagnes ?
J’accepte sans me faire prier et une fois l’addition réglée, nous voilà partis vers chez elle. Je la regarde pousser les portes, gravir les marches, la phrase de Clémenceau en tête, «  le meilleur moment de l’amour, c’est quand on monte l’escalier ». Comme un mauvais présage, je glisse sur le parquet ciré par une gardienne un peu trop zélée, manque de me rétamer et me rattrape in extremis à l’étroite rampe.
À peine son smartphone mis en charge, le bidule se met à tinter. Une fois son texto consulté, elle me lance d’un ton décidé :
- Écoute, j’vais être directe : apéro nénettes dans un peu plus d’une demi-heure et j’ai très envie d’faire l’amour. Je sais pas si c’est les hormones, la chaleur…
- …Ou bien moi ?
Elle esquive d’un rire franc, me prend la main et m’entraîne dans sa chambre.
Aux quatre murs autour du lit, décorum d’ombres chinoises format sticker mural; des corps nus dont les poses, toujours lascives, varient.
Elle se désape méthodiquement, j’en fais autant. Sitôt allongés sur le drap, elle me plaque sur le dos, me grimpe à califourchon et me masturbe avec sa fente.
Tandis qu’elle attrape une capote dans son tiroir de table de nuit, elle me fait me redresser un peu histoire que j’ai le bassin à angle droit.
- Là, c’est parfait.
Elle s’empale, se frotte, ondule, jouis.
- Ouah, ça fait du bien ! T’as joui aussi ?
- Ben pas trop eu l’temps, là…
- Ce s’ra pour la prochaine alors, ça me fait mal après l’orgasme…Et puis faut vraiment que je m’active.
La séance rhabillage s’effectue sans un mot, ponctuée de sourires de convenance.
Quelques minutes plus tard, on se quitte d’un baiser rapide devant son immeuble Haussmannien. Je fais quelques pas, me retourne et regarde le long manteau noir s’éloigner d’un pas prompt.