Requiem pour un rencard

Pleine nuit d’un été saharien, tiré de mon sommeil par un son sms. Après des semaines de correspondance débridée, d’un texto laconique Valérie m’invite au réel : « 3, rue de la Lune. À la belle étoile. D’ici une heure. »
Gueule fripée et tifs en bataille, je mets pleins gaz quitte à semer mon ange gardien et arrive à l’adresse fournie.
Digicode amoché, porte cochère lourde et couineuse, effluves de pisse de chat ; Paris, ville romantique.
Sitôt sous le porche, la lumière se déclenche et révèle une petite cour pavée où j’aperçois mon hôte, posée sur une chaise bon marché face à une table de jardin, clope au bec et verre à la main. Derrière elle, une vieille façade d’immeuble criblée de fenêtres grand ouvertes, histoire pour chacun de ronfloter sans s’étouffer.
- Cadre sympa pour une rencontre…
- Le climat s'y prête...Et puis c’est surtout qu’ma colloc’ est là.
La minuterie a tôt fait de nous replonger dans l’obscurité, Valérie allume une bougie.
- J’te distingue à peine…
- Tes yeux vont s’habituer…Et puis t’es bien resté des semaines dans l’noir.
L’échange est laborieux, nos verves envolées ; on tâtonne de thème en thème sans jamais vraiment s’exalter. Au blanc de trop j’approche ma chaise, elle recule aussitôt la sienne.
- Pallier au vide de nos propos par un mélange lingus…T’es certain d’en avoir envie ? Pas moi.
Comme un coup de grâce, le réveil d’un lève-tôt, préréglé sur Radio Classique, se déclenche. Un choeur de voix sopranos éclate soudain dans la pénombre.
- Mozart…
- Son Requiem en ré mineur…
- Le mouvement Lacrimosa…
Quelques minutes plus tard, l’imposante porte d’entrée se referme derrière moi dans un assourdissant grincement qu'on croirait sorti d’un violon.