Bas instincts, hautes priorités

Un début d'après-midi en semaine, posé sur mon sofa, un verre de Sancerre à la main, j’attends Sarah, une escort occasionnelle bookée pour 1 heure.
Laconique dans ses sms lors de la prise de rendez-vous, elle me bombarde de messages avant son arrivée, me signifiant un retard toujours plus important.
Quand elle débarque enfin, il est quasiment 15h30. Prenant soin d’éviter de croiser mon regard, elle saisit mon enveloppe tendue, se dessape illico et me demande d’en faire autant. Une branlette ni fait ni à faire, une pipe torchée en deux coups de langue, elle se positionne en levrette, bien calée sur ses paumes.
Irrité par son empressement, je stoppe net les festivités.
- Hey, j’ai payé pour 1 heure de sexe, pas pour 10 minutes de quickie.
Sans quitter sa posture doggy style, elle éclate en bruyants sanglots.
Le nez mouché, les yeux séchés, elle m’explique alors son urgence : prévenue ce matin seulement du décès de son oncle et de l’enterrement ce jour-même, elle n’a pas voulu m’annuler, trop tentée par cette nouvelle rentrée d’oseille.
- J’ai déjà raté la messe de funérailles, j’aimerais arriver avant la fin de l’inhumation...
- Bah on pouvait reporter notre petite sauterie…Bon, il est enterré où, cet oncle ?
- Au cimetière intercommunal de Puiseux-Pontoise.
- Ah ouais, pas la porte à coté en plus…Bon, ça t’dit que j’t’accompagne en brêle ? ça ira plus vite qu’en métro ou en tacot ; à cette heure-là ça commence déjà à bouchonner.
Surprise, soulagée, elle accepte d’une moue fatiguée.
Quelques minutes plus tard je m’engage plein gaz sur le périph’, ceinturé par les mains crispées de Sarah.
Arrivés dans l’endroit funèbre aux alentours de 17h, on se hâte vers la tombe familiale. Déserte, abandonnée aux herbes folles, quelques gerbes posées ça et là témoignent d’un passage tout récent.
- Bon bah apparemment tout l’monde a déjà levé l’camp…J’suis désolé.
- On n’est pas très famille, chez nous. Il devait pas y’a avoir grand monde.
- Tu veux qu’j’te laisse te recueillir ?
- Un court instant si tu veux bien, oui, me murmure-t-elle en se signant.
En début de soirée, tous deux installés dans un coin d’un troquet local, Sarah se livre entre deux gorgées de vin rouge :
- Étrange, ces circonstances d’adieux. Dans mon entourage, il était le seul à savoir pour mon activité d’escort. Il jugeait pas, s’amusait même de mon sens des priorités : « le vénal avant la morale », comme il disait. Ça l’aurait bien fait marrer de me voir devant sa tombe, accompagnée d’un client…En tout cas, faut croire que toi aussi t’as le sens des priorités. J’apprécie ta bienveillance. Tiens, voilà ton fric. On rentre sur Paris et tu me baises à l’œil ; t’en dis quoi ?
Je me tourne aussi sec vers le zinc :
- La note s’il vous plaît !