Plongée de nuit

Hurghada, station balnéaire égyptienne située au bord de la mer Rouge et site incontournable pour tout grand cinglé de plongée. Parti pour une dizaine de jours avec un club d’habitués, des couples en grande majorité, ceux-ci m’intègrent aussi vite que généreusement dans leur petite communauté.
Tortues vertes, poissons-perroquet, murènes, balistes, barracudas, raies pastenagues à taches bleues…Au fil des descentes quotidiennes, la faune sous-marine s’offre à moi dans un incessant ballet, multicolore et silencieux.
Un soir, le dîner de groupe expédié, tous vont regagner leurs pénates à l’exception d’Aurore et moi, partants pour une petite virée. Son mari, trop exténué pour bougonner, nous laisse filer sans un regard.
Accoudés au zinc d’un bar à touristes de la Hurghada Marina, je la questionne sur son goût pour la plongée. Après un temps de réflexion, la brune aux yeux lagon se lance :
- En deux mots : solitude et sérénité. Allez, trois : silence. Je suis pas du genre grande bavarde, expansive. Par contre une affective, ça oui. Sous l’eau, j’évolue au calme. Seule mais entourée. Bref, une passion qui me résume bien.
- Et avec Thomas, ça fait longtemps ?
- Seize ans le mois prochain.
- Ah ouais quand même…
- On s’est connus à Zanzibar, sur l’atoll de Pemba. Manta Point est un des plus beaux spots de plongée. Un mordu, lui aussi.
- Et ça dure…
- Disons qu’on s’est bien trouvés. Quand t’y réfléchis, tu peux corréler couple et plongée : tout se joue dans les gestes, les silences, les regards…
- …Et puis cette propension à savoir garder la bonne distance. S’approcher, mais pas trop.
- Là, tu touches du doigt un gros écueil : Thomas ne m’approche plus du tout.
- Tu dois pas être assez « étoile de mer » à son goût…
- Je te confirme que j’ai rien d’un échinoderme.
De retour à l’hôtel, j’entraîne Aurore dans ma chambre et, à sa demande expresse, la baise debout contre la porte.
Le zizi-panpan achevé, elle se débarbouille à la hâte face au miroir de la salle d’eau.
- C’est ça qu’tu voulais ? Que j’te prenne comme un soudard en permission ?
Sans réponse de sa part, j’enchaîne tout en remontant mon froc :
- Ça t’a plu au moins ? J’sais même pas si t’as joui. Perso, j’ai pris mon pi-…
D’un index posé sur ses lèvres ponctué d’un air gentiment las, elle me réduit au silence avant de filer comme une ombre.