Les derniers jours de juin

J’avais connu Clémence il y a des années de ça, lors d’une visite médicale passée. Hilare et attendrie de me voir débarquer dans son cabinet muni d’un carnet de santé en lambeaux datant des années Giscard, elle avait consenti à me laisser son numéro lorsque je l’avais réclamé tout en me rhabillant.
Les années avaient passé, nous étions désormais bons amants et même si entre son homme, ses mômes et son job, Clémence n’avait que peu de temps à m’accorder, nos baises volées dans mon appart’ n’avaient rien perdu de leur sel.
Jusqu’à ce jour d’été où elle m’annonça le départ de son clan pour l’Afrique, où son mari venait d’être fraîchement muté.
- Et c’est prévu pour quand ?
-  On s’envole début juillet.
- Dans quinze jours, quoi. Mais pourquoi t’as rien dit avant ?
- J’y ai même pas songé. Ce qui se passe entre nous, entre ces quatre murs, c’est tellement loin de qui je suis au quotidien.
- Tu dis ça comme si t’en souffrais. C’est pas justement ça qui t’plaît, être une autre avec moi ?
- Ça me plaît comme ça me frustre ; j’ai toujours l’impression que tu bandes pour de mauvaises raisons. Pour la mauvaise femme. J’aurais aimé pouvoir te montrer un peu de qui je suis dans la vie. Qu’on passe quelques moments normaux. Qu’on se plaise tels qu’on est.
- Chiche. Pour la prochaine et dernière fois, on s’retrouve au restau’.
- L’idée me plaît. Sa concrétisation m’effraie.
Au fil des derniers jours de juin, ses textos redoublèrent. Des phrases nerveuses, des mots de trop, des pensées rapprochées, des désirs dispersés, des dates fixées puis reportées. Le jour du rendez-vous prévu, mes messages restèrent sans réponse.
Les mois passèrent.
Un jour d’hiver, je trouvai au courrier une carte postée depuis Nouakchott, Mauritanie : « Tu l’as constaté au recto, je te le confirme au verso, ici c’est tous les jours fin juin. C. »