Panne de courant

Un début de soirée à la fin de l’automne. Des semaines que les jupes des filles ont rallongé ; les jours, eux, n’en finissent plus de raccourcir. Quand l'inconnue débusquée sur le Net m’ouvre la porte de son studio y’a donc belle lurette qu’il fait nuit, le soleil parti se pieuter à l’heure du thé.
Sur son canapé rabougri, discussion décousue, sans rythme et sans envie. On égrène les sujets en quête d’infimes affinités comme un chercheur d’or aux abois secouerait son tamis boueux dans l’espoir d’y voir scintiller une once de paillette d’or.
Une bonne heure passe, la bouteille est quasiment vide et nos regards embarrassés gangrènent toujours plus l’échange quand soudain les plombs pètent. Un fusible grillé, rien en stock chez elle et les rideaux de fer des magasins du coin à présent tous baissés. Dans un placard plein à craquer de breloques bon marché elle déniche en dernier recours un reste de bougie d’ambiance.
On regarde la mèche crépiter et de timides fumées s’élever au-dessus de la flamme chétive. Tandis qu’un parfum synthétique se répand dans l’air de la pièce, l’éclairage tamisé vient amplifier nos gênes. Pris malgré nous dans les filins d’une atmosphère cruellement sensuelle, on finit nos verres en silence sur fond de playlist lounge music.
C’est d’une bise maladroite échangée dans la pénombre de son entrée qu’on se quitte, nos convenances exténuées, nos désirs dépités.