Erreur de casting

Au petit matin, les sanglots coulaient sur ses joues telle une rosée amère, une douloureuse condensation. Une majeure partie de la nuit, elle avait oscillé entre désir et volonté, entre envie et fidélité. Pour finalement, à force de mots échangés, de gorgées de rouge avalées, de blancs toujours plus éloquents, céder à ce qu’elle surnommait La tentation du pire, c’est-à-dire nous.

Désormais, passé la frénésie des corps, l’excitation, les râles, l’orgasme, elle ne voyait plus rien que la carcasse agonisante de son couple, duquel elle se sentait en reste d’abréger les souffrances.

Et voilà, game over. J’ai merdé dans les grandes largeurs. Pas que je regrette nos ébats, hein, mais j’ai violé les règles d’un jeu que j’avais moi-même instaurées. J’ai plus qu’à l’appeler demain pour lui dire qu’on en reste là.

- Arrête un peu. C’est pas la mort, cette petite escapade nocturne. Et puis nous deux, c’est autre chose.

- Plutôt pas grand-chose, tu veux dire. C’est même rien, au final. Le vide sentimental, le vice monumental.

- Disons juste que c’est différent. On s’connaît depuis si longtemps. 

- Un peu trop longtemps, justement. T’es toujours là, en filigrane dans mes amours, à venir foutre le feu en pleine nuit à ma jolie petite baraque puis à te barrer tout sourire, en sifflotant le Requiem. Faut que ça cesse.

- Tu dis ça à chaque fois. 

- Peut-être mais là, je le pense. Vraiment.

- Tu parles, c’est juste que t’es en pleine descente. Tu viens de jouir, tu veux mourir. Classique. 

- Poétise autant que tu veux, j’en peux plus de ce scénario. Ça finit toujours mal quand tu t’invites à jouer un rôle dans mes comédies toutes jolies.

- Bah… dis-toi juste qu’on est le duo sulfureux d’un film ultra confidentiel. 

- D’un film qui n’existe pas.

- Si tu préfères. 

- Allez, on coupe, je taffe demain. Tire-toi.

Sur le chemin du retour, mes yeux se posent sur une affiche promo de film collée sur une colonne Morris : Erreur de casting –  l’erreur n’a jamais été aussi humaine. Un grand sourire aux lèvres, je photographie la colonne, l’envoie aussitôt à Sophia, dont la réponse ne tarde pas : 

Toi c’est pas l’erreur est humaine…

- … Mais plutôt l’humain est erreur ? 

- Voilà. Rentre bien. Doux baisers, erreur de ma vie.