L'expérience

C’était leur troisième rendez-vous. 

Les deux soirs précédents, elles s’étaient contentées d’un drink. Le premier à La Belle Hortense, un bar cosy du Marais. Elles s’étaient quittées en haut des marches du métro Temples, sans qu’aucun rapprochement n’ait lieu. Le second rencard, plus feutré, s’était passé au Lolabar de l’hôtel Banke : ambiance néo-baroque, chic et glamour où les deux filles s’étaient peu à peu rapprochées jusqu’à échanger un smack furtif juste avant de se séparer.

Ce soir, elles jouaient à domicile et ça se déroulait chez Kim.

Elles avaient papoté de sujets divers et variés, s’étaient marrées, la bouteille était bientôt vide et elles étaient un peu tipsy. Maud le savait, c’était maintenant ou jamais. Au beau milieu d’une discussion sur le péril woke, elle se jeta sur elle. Kim lui rendit son baiser, elle se laissèrent tomber sur le sofa tout en s’enlaçant fougueusement.

Dans la chambre en mezzanine, elles se léchèrent jusqu’à l’orgasme. Maud trouvait ça bizarrement bon, le côté visqueux du cunni la dégoutait autant qu’il l’excitait. Elle eût ensuite un élan tendre mais le corps raide de Kim l’en dissuada. Elle tenta alors timidement de réchauffer l’ambiance :

-       Pour une première, c’était parfait. D’ailleurs j’aurais bien remis ça…

-       Désolée, je suis nase et demain lever aux aurores. Dors ici si tu veux. 

Pareille à un mec, Kim s’endormît dans la minute sans un mot ni même une caresse, tournée de son côté du lit. 

Maud trottina jusqu’au salon, sortît son iPhone de sa veste. Un interminable listing de notifications messages envahissait l’écran tactile. Thomas, Jeremy, Isham, Jules… Ses plans cul du moment. Elle ouvrît son WhatsApp. Des dickpics, des Tu passes ? Je passe ?, des mots crus, des injonctions hors-sol, des fantasmes cousus de fil blanc… Toutes ces choses qui l’avaient conduite à essayer les femmes. 

Cette nuit elle se rendait finalement compte qu’au fond peu importait le genre, sur les applis dating les règles du jeu variaient peu. Le seul enjeu restait le sexe, le plaisir pris sur le moment. La séduction propre à l’avant durait plus ou moins longtemps, l’après, lui, ne changeait jamais : c’était le néant affectif, un no man’s land émotionnel. Aucune place pour les sentiments, zéro perspective de suivi. 

Elle ramassa ses affaires éparpillées sur le parquet, se rhabilla dans la pénombre. Son string encore trempé, elle le glissa dans son Furla. En tâtonnant pour retrouver ses bas, elle mît la main sur le body à lacets de Kim. Elle le huma. Bien imprégné de son parfum, Galop d’Hermès, il sentait délicieusement bon. Elle le plia, le plongea dans son sac et quitta le loft peu après.

Le lendemain en fin de journée, elle texta Kim, un selfie d’elle uniquement vêtue du body assorti d’un message espiègle : Alerte enlèvement. Body à lacets taille 36, aperçu rue Saussier-Leroy. La riposte de Kim fusa, glaciale, définitive : Merci de me le déposer ou bien de me le renvoyer. L’adresse, tu la connais.

Maud avait porté le body toute la journée. Elle l’ôta finalement, presque à regret, le mît dans une enveloppe à bulles. Elle le posterait dès demain et s’en retournerait aux hommes, pas mieux, pas pires, seulement un peu plus prévisibles et par conséquent moins dangereux.