La plus belle ville du monde

Il est pas d’heure, on papote sur le net. Je propose de passer, elle accepte. Traversée du périph’, ceinture d’asphalt de Paris, ville engoncée dans son costume râpé, boursouflée par la vanité de ses deux millions d’habitants. Les tunnels orange se succèdent, les bretelles de sortie défilent, j’arrive enfin. Grimpette d’escalier jusqu’aux combles, une petite blondinette roulée comme un pneu neuf m’accueille, j’entre.
Hello Kitty meets Scarface.
Sur les murs rose bonbon, des armes à feu trônent : Uzi, Kalachnikov, PP7, Beretta, Winchester…Une poudrière de 20m², de quoi faire sauter les caissons de tout l’arrondissement.
La nana m’explique sa passion, les brocantes qu’elle chine lors de son rare temps libre. Provinciale exilée pour trouver du boulot, elle est serveuse dans un «  grand restaurant » et ravie d’habiter «  en plein cœur de la capitale ».
- Et puis regarde la vue !
A travers le verre sale d’une minuscule fenêtre on distingue un bras de Seine, fleuve de formol couleur pot d’échappement.
Une vie pour rien. L’envie me prend de choper un des flingues histoire d’abréger ses souffrances. Je choisis d’abréger les miennes et débouche le vin qu’elle me tend.
On lève nos verres à « la plus belle ville du monde ».
Tchin tchin, bang bang, bye bye.