Entre elles

Sortis du Pili Pili, un bar rock du 11ème, Louisa, ma date Bumble, m’invite à prendre un dernier verre chez elle.

- Avec plaisir pour venir découvrir ton nid.

- Alors parfait. Mais juste une chose : mon ex vit encore avec moi.

- Ah. Comment s’fait-ce ?

- Le temps de trouver un appart. Enfin, une maison, un loft, une péniche… je m’en fous. 

- Ça va pas être un peu gênant, du coup ?

- T’inquiète donc pas pour ça. 

Arrivés chez Louisa, on découvre l’appartement vide.

Tu vois, y’a personne, glousse-t-elle en me débraguettant au beau milieu du salon.

- Et si tu me montrais ta chambre ?

- Quoi encore… t’as peur qu’on se fasse attraper ?

- Bah, on sait jamais. Je crois que moins à découvert, je serais plus à l’aise.

- Ok, ok, soupire-t-elle, un brin agacée.

À poil, assis sur le lit monoplace, je la regarde me pomper tout en tâchant de lâcher prise, sans succès. Louisa finit par s’arrêter. 

- Et ben alors, le petit soldat dort déjà… j’le pensais un peu plus vaillant.

- Tu peux juste fermer la porte ?

- Putain, mais quoi encore ! braille-t-elle en se levant d’un bond.

Chauffé par son énervement, je me redresse, la cale en levrette sur le pieu, enfile un préso’ à la hâte et la pénètre sans crier gare.

Ah, bah enfin ! hurle-t-elle, comme pour rameuter tout le quartier. « Allez, montre c’que t’as entre les jambes ! Ce soir, j’en veux pour mon argent ! »

J’ai beau limer comme un cinglé, je sens son excitation feinte. Dans la pièce d’à côté, j’entends un cliquetis de clés.

- Vas-y, donne ! donne-moi tout ce que t’as, p’tit gars ! 

La purée commence à monter quand un grincement de gonds mal huilés vient me faire retomber. Faisant mine de poursuivre ma saillie forcenée, je tourne la tête pour découvrir dans l’embrasure de la porte de la chambre à coucher une paire de grands yeux en amande. Le temps d’ajuster mon regard dans la pénombre, celle-ci s’est volatilisée. Quelques secondes plus tard, je finis par tout décharger. À l’instant de retomber tête la première sur l’oreiller, je crois entendre la porte d’entrée claquer à la volée.

C’est bon, t’as terminé ? si ça te tente, prends une douche avant de filer, lâche Louisa, pressée de me voir décamper.

Peu après, rue Sedaine, comme je marche vers mon scooter, une voix travaillée à la clope s’élève derrière moi :

- Tu sais que t’étais son premier ?

Je sursaute, me retourne, pour découvrir une petite blonde, coupe pixie, pantalon baggie, crop top oversize, Stan Smith blanches. Devant mon air abasourdi, elle poursuit :

Louisa est gay. Une pure et dure. Je l’ai plaquée y’a une semaine et quitte bientôt l’appartement. Ce soir, elle voulait juste me faire du mal.

- Bah pour toi je sais pas, mais moi, c’est plutôt du bien qu’elle m’a fait.

- Sans déconner. Par contre, de son côté, je doute qu’elle ait pris ne serait-ce qu’un de ses doigts d'pieds.

- Ah. Tu crois qu’elle l’a vécu comment ?

- Je te l’ai dit, Louisa et les queues, ça fait deux. 

- Et les queues et toi, ça fait trois ?

- T’as tout compris.

- Du coup ça t’a rendu jalouse ?   

- Forcément, oui, un peu. Mais ça c’est mon problème. C’est aussi notre histoire, et donc pas tes affaires.

Sentant le ton monter, j’enfile mon casque, démarre sans demander mon reste.

En arrivant chez moi quelques minutes plus tard, je trouve un message de Louisa sur Bumble

- Alice m’a raconté votre entrevue en bas. Désolée pour le plan foireux. Du coup, on a bien discuté et on se laisse une deuxième chance. Merci pour tout. 

Tout le plaisir était pour moi.

- Pas que, mais ça reste entre nous ;-).