Le jardin secret

Comme Zoé l’avait suggéré, ils s’étaient donnés rendez-vous dans un lieu public parisien aux airs de secret bien gardé. 

Ainsi, c’est un jeudi midi de juin qu’elle l’attendait, assise sur l’un des bancs en pierre du jardin Catherine Labouré, spot aussi verdoyant que méconnu du chic 7ème arrondissement.

Paper Thin Hotel de Léonard Cohen dans les oreilles, elle le vit arriver de loin, vêtu d’une chemise blanche, d’un jean brut et de baskets noires New Balance

Sous une tonnelle, face aux vignes et aux potagers, ils tâtonnèrent à coups de questions coutumières, de regards timidement lancés pour petit à petit se faire toujours plus appuyés.

Au sortir de l’endroit, il l’invita à L’Augustine, le resto du musée Rodin. Tout en dégustant sa salade Camille Claudel, elle l’écouta lui parler de son job de tech consultant, de sa passion pour les forêts - le terme exact était sylvophile, elle l’ignorait – et de ses voyages en Afrique où il rendait visite à son frère, chirurgien installé là-bas. 

C’est en milieu d’après-midi, dans un autre écrin de verdure lui aussi à l’abri des regards, le square Denys Bühler, qu’ils finirent par se rapprocher, se prendre la main, s’emballer. Les rares gens qui passaient par là les pensaient probablement ensemble et l’idée plaisait à Zoé.

En début de soirée ils prenaient un verre à la terrasse des Ursulines, un bar sans prétention niché dans un recoin de la rue Gay-Lussac, quand l’homme se mit à table. Il était en couple depuis près de dix ans et avait deux gamins. Elle fit comme si de rien, termina son spritz St-Germain puis le questionna sur ses dernières lectures et ses prochaines vacances. Décontenancé mais soulagé, le type ne se fit pas prier pour changer de sujet.

Vers 22 heures, ils marchaient rue Saint-Jacques quand Zoé l’entraîna par le bras vers l’hôtel Le Petit Paris. Elle prit une chambre pour la nuit sous les yeux médusés de l’homme. À trois reprises, il insista pour régler, elle refusa tout net.  

Comme pour se faire pardonner, il lui fit l’amour tendrement, un peu trop à son goût. Ils prirent ensuite une douche ensemble. Il la lécha sous le pommeau, la doigta jusqu’à la faire jouir de nouveau. 

Ils se rhabillèrent sans un mot, quittèrent la chambre peu après 1 heure du matin. Devant la borne de taxi, comme elle s’y attendait il proposa de se revoir dès la semaine suivante. Zoé déclina poliment, argua d’un planning surchargé et prit la route, direction son loft du 11ème.

Elle ouvrit la porte en douceur, découvrit les clés de Thomas dans le vide-poche de l’entrée. Il devait roupiller à poings fermés depuis longtemps déjà. Après s’être déshabillée, elle se glissa sous le drap tiède, roula de son côté du lit. 

Elle s’endormit en un éclair, heureuse de cette journée passée dans ces allées confidentielles, dans ces espaces verts aux allures de jolies cachotteries, dans cette chambre anonyme, dans son jardin secret.