Des Abbesses aux abysses

Rue des Martyrs, l’épicentre intello-bobo du Reich néo-socialo. Tandis que Juliette nous ressert de quoi chauffer nos libidos, un vin chilien tout droit sorti de sa mini cave bio, je passe une tête à la fenêtre : à cette heure-ci l’artère est quasiment déserte. Quelques vélos passent en silence dans la nuit parisienne, des livreurs Uber Eats pour la plupart, ainsi que quelques rares riverains, moins maîtres qu’esclaves de leur toutou, eux-mêmes esclaves de leur transit.

Dans une des chambres d’à côté, Alizée, sa copine transgenre, roupille depuis déjà un bon moment. 

La coke et la bibine aidant, Juliette s’anime et d’une voix toujours plus perchée, à grand renfort de moulinets de bras, part dans des théories fumeuses quant à la pandémie actuelle :

Pour moi c’est clair, cette crise a été fomentée lors du dernier forum économique mondial, par nos hauts dirigeants. J’ai fait Sciences Po, je sais d’quoi j’parle.

- Ah. J’aurais dit Bill Gates et les juifs.

 C’est ça, rigole.

- Et propagée comment, selon toi ? à travers les antennes 5G ou bien via les compteurs Linky

- Fais-le malin ! 

- Et à quelles fins ? 

- Le but ultime : nous injecter à tous, enfin à vous les gogos vaccinés, une puce sous-cutanée histoire de mieux vous contrôler. Quand tu pourras plus pisser droit sans avoir eu ta treizième dose, faudra pas venir pleurnicher. À bout de patience, à court d’humour, je descends mon verre et attaque : 

Bon, on va s’coucher ?

- C’est pas plutôt on va baiser ? Sois transparent.

 Si tu veux.

- J’couche qu’avec des non-vaccinés.

- T’es sérieuse ? 

- On ne peut plus. Ils ont sûrement pensé à tout pour propager un maximum leur saloperie connectée. 

- T’aurais dû me le dire d’entrée…

- Avec l’alcool et la c., je pensais pouvoir passer outre, mais vraiment, c’est plus fort que moi. T’as reçu combien d’injections ?

- Trois.

- En plus ! Oublie.

- Bon... Je peux quand même rester dormir ? je suis vraiment pas en état de reprendre la route. 

- Aucun problème. Mais si ça te dérange pas, va pioncer avec Alizée. Je me connais. Je préfère pas tenter le diable. 

- Elle va pas râler ?

- Elle dort sûrement à poings fermés. Elle et Morphée, c’est toute une histoire.

Quelques minutes plus tard, je me glisse sous le drap aussi furtivement que possible. Tandis que je me sens sombrer, d’un coup le souffle d’Alizée vient balayer le bas de ma nuque, sa queue raide passer sur mon cul. Je tressaille, me propulse jusqu’à l’extrême rebord du lit.

C’est la seringue qui vous effraie, monsieur le vacciné ? me susurre-telle, un sourire dans la voix.

 Disons que… Roméo préfère les Juliette.

- Crois-moi, Juliette t’a déjà oublié. Mais tu peux m’appeler Rosaline. Et si y’a qu’ça pour t’faire plaisir, je te réciterai du Shakespeare quand tu s’ras derrière moi.

- Rosaline, la fameuse cousine… T’es plutôt le cousin Tybalt, toi, nan ?

Furax, Alizée se redresse, m’assène un coup de pied dans les côtes et d’une poigne de mafieux ruskov me saisit par le cou et m’éjecte hors du pieu.

TU PRENDS TES FRINGUES ET TU DÉGAGES ! TU SORS D’ICI, ENFOIRÉ DE TRANSPHOBE PROVAX ! CONNARD DE BOURGEOIS FRANCHOUILLARD ! BANLIEUSARD ZEMMOURO-FACHO ! 

Tandis qu’encore sonné, je me rhabille sur le palier, la voisine d’à côté, une vieille dame en chemise de nuit, entrouvre à peine sa porte :

J’ai entendu crier. Ça va ?

Juste avant de grimper dans l’ascenseur lilliputien, je réplique à mi-voix et d’une haleine encore bien imbibée :

- Comme un type qui subit l'amour au temps du Corona et se fade du Shakespeare version LGBT.